Joël le flic (James Spader, qui a pris un sacré coup de vieux depuis Crash) et David le serial-killer (Keanu Reeves, double menton, jeu exécrable) s’aiment d’amour tendre mais n’osent pas se l’avouer. Alors, afin de prouver son attachement à Joël, David ne trouve rien d’autre à faire que de trucider sauvagement quelques poupées. Comme déclaration, c’est plutôt original. Et ça devient même très amusant lorsque les massacres prennent la forme de gigantesques jeux de pistes à travers Chicago. Car David, comme tout tueur en série qui se respecte, tient à ses petites lubies, fantaisies morbides lui permettant d’inscrire sa signature dans les annales du crime sadique. Ainsi, notre méchant héros décidément très joueur prend des risques en envoyant les photos de ses futures victimes à son copain du FBI. Si ce dernier ne retrouve pas les jeunes femmes en 24 heures, elles sont froidement assassinées.
Réalisateur de ce navet, Joe Charbanic vient du clip. Et ça se sent. Constellé de filés et de ralentis, entre autres effets visuellement désastreux, The Watcher fait illusion un moment, le temps de quelques séquences à la narration floue, comme perdues dans les limbes d’un imaginaire certes foutraque, mais intriguant par son refus d’un récit classique. Le film commence par une poursuite muette, frisant l’abstraction, entre Joël et David, avant d’enchaîner sur une descente d’agents du FBI traquant un Keanu Reeves en plein rituel chamanique, et qui nous gratifie à cette occasion d’une chorégraphie minimaliste sans doute héritée de ses performances scéniques avec Dogstar, son groupe tendance grunge. Suite à ces instants sans véritables raccords de sens, The Watcher retrouve des codes plus simples, réitérant pesamment et à trois reprises un suspense lié au sort des proies de David. Ce qui nous vaut un bon gros message social mettant en garde le spectateur : dans les grandes villes, les rapports humains sont si pauvres, et la solitude se révèle un tel fléau que les gens sont incapables de se reconnaître et d’identifier une personne prise au hasard, même si certains la croisent tous les jours. Plutôt que de perdre deux heures en allant voir The Watcher, on ne saurait trop conseiller à nos lecteurs d’inviter leurs voisins, ces grands inconnus, à prendre l’apéro chez eux.