Nouveau symptôme de l’appropriation du cinéma de Hongkong par Hollywood, Roméo doit mourir n’est qu’un laborieux film d’action sur fond de guérilla urbaine. Héros de cet objet un peu bâtard, Han, alias Jet Li, s’évade de Chine -où il était injustement emprisonné- afin de venger son jeune frère Po, fraîchement assassiné. Soupçonnant le gang afro-américain d’Issak O’Day (l’excellent Delroy Lindo), ennemi de sa famille, le brave Han s’aperçoit avec stupeur que les meurtriers font partie de son propre clan…
Un bon film d’arts martiaux réclame un vrai sens du montage, un rythme soutenu, et surtout une certaine dose d’ironie. Or, Romeo must die ne possède aucune de ces qualités. Pire, il se prend très au sérieux. Cherchant en premier lieu à délivrer un message de tolérance mille fois rabâché et fondé sur un espoir d’entente entre les minorités, les scénaristes aboutissent à une conclusion plutôt ambiguë, du style « tu vois Jet Li, ton frère chinois peut s’avérer bien plus vicieux que ton frère black ». L’acolyte de Han sera donc la belle Trish (la chanteuse Aaliyah), fille de O’Day à la démarche groovy, et dont le déhanché fait fureur dans le magasin de fringues tendance où elle travaille. Trish et Han sont-ils amoureux l’un de l’autre ? Rien n’est moins sûr, et le spectateur est en droit de se poser des questions sur la sexualité de Han, qui, avec son visage poupin et ses allures de petite frappe, ferait une fort crédible drag queen de seconde zone. D’ailleurs, ni une pipe ni même une pelle n’attesteront un quelconque désir entre nos amis. Tout juste se prendront-ils dans les bras à la fin du film, bien après nous avoir offert la seule séquence réussie dans laquelle Han, qui ne souhaite pas s’attaquer à une femme, se sert du corps de Trish pour prolonger ses coups, ainsi dédouané de toute culpabilité. En dehors de ce joli moment furtif, on s’ennuie ferme : les bastons sont mollassonnes, répétitives, et la mise en scène trop clippée pour convaincre, malgré un amusant gimmick « rayons x » révélant l’impact des coups de Han sur le squelette de ses adversaires. Quant à Jet Li, son manque de charisme l’empêche d’affirmer un potentiel de future star hollywoodienne. Infiniment plus drôle et talentueux, Jackie Chan a encore de beaux jours devant lui…