Découvert cette année à l’ACID, Pauline s’arrache sort la veille du réveillon de Noël, comme pour mieux accentuer la tonalité de conte dont cette radiographie familiale veut faire son horizon rassurant. Croisement réussi entre un bon épisode de Confessions intimes et les home movies de Jonathan Caouette, le documentaire d’Emilie Brisavoine est une plongée pixellisée dans l’intimité turbulente de sa famille. Une famille haute en couleurs (un père travesti, une mère exhibitionniste, une soeur déserteuse) au sommet de laquelle trône une adolescente, Pauline, petite princesse à la gouaille de cagole et aux accès de colère vivifiants.
Oubliée dans un coin de la pièce, la souris Brisavoine filme le foyer comme un champ de bataille à la promiscuité étouffante, un grand désordre d’affects et de ressentiments où l’harmonie ne tient chaque fois qu’à un fil d’amour. S’il n’atteint jamais l’art poétique de ses modèles américains (où l’agonie d’une vie s’embrasait sous l’impudeur d’un regard venant de l’intérieur), le film trouve dans son héroïne sa meilleure arme et sa meilleure boussole, en crevant progressivement l’abcès familial sous les caprices répétées de cette jeune fille pleine de pulpe. Alternant zones de turbulences et phases d’accalmie, Pauline s’arrache débouche ainsi sur une grande psychanalyse collective, certes aussi volontariste qu’attendue mais qui, à force d’entêtement, finit par libérer les forces émotionnelles que la jeune réalisatrice s’était contentée de séquestrer dans son cadre.