Elvis et Marilyn doit à quelques prix obscurs, du genre « Grand prix du festival du film d’action et d’aventures de Valenciennes » (!), de parvenir jusqu’à nous. On ne saurait trop en vouloir aux quelques malheureux qui ont trouvé des qualités à ce navet affligeant, et l’on s’interroge encore sur les motivations de ceux qui, en Italie, ont cru au talent du réalisateur.
Poisseux et nauséabond, le film d’Armando Manni raconte l’improbable virée d’un couple de fortune, originaire d’Europe de l’est -lui est bulgare ; elle est roumaine-, désireux de gagner l’Italie pour travailler comme artistes-sosies -lui en Elvis, elle en Marilyn- dans une boîte de nuit. Ce qui est si désagréable dans le film, ce n’est pas seulement sa paresse, son absence d’invention, sa manière lâche de suivre ses personnages -tantôt l’un, puis l’autre, puis les deux ensemble de manière aléatoire-, c’est surtout sa complaisance indécente sur les choses et les êtres filmés. Il y a dans cette petite bande anodine une putasserie inavouée, une manière crasse de surfer sur les maux de l’Europe de l’est, en guerre ou en crise, qui souffre depuis plus de dix ans de sa sortie du communisme et dont on nous parle si mal ici qu’on a parfois envie de vomir. Bien sûr, on n’échappe pas à la description misérabiliste des conditions de vie des paysans des campagnes roumaines (les hommes brutaux et violeurs, les mères alcooliques et coucheuses, etc.). Mais le réalisateur, après avoir posé ce décor avec un manque d’élégance et de finesse douteux, développe son histoire en plongeant ses deux personnages dans les situations les plus sordides, suite de vignettes glauques qui se veulent représentatives d’un état de l’Europe.
En nous assénant son constat noir et sans humanité, Manni doit avoir le sentiment de faire une œuvre édifiante et utile, qui dit la vérité, alors qu’il prive seulement cette région du monde de toute reconnaissance cinématographique. Sa fiction triste est engluée dans des fantasmes pauvres et réducteurs. Son scénario même est stupide : le salut que croient trouver Ileana et Nicolaj en jouant les stars du monde occidental est un schéma de papier, un enjeu faux qui ne renvoie à rien. Avant de se lancer dans la photographie et le cinéma, Armando Manni « a suivi de brillantes études d’économie, avant de se tourner vers les finances internationales ». Qu’il retourne à la bourse !