La vie. L’œuvre. La vie et l’œuvre. L’œuvre et la vie. Les deux indissociablement liés. Parce que aucune séparation n’est possible, qu’elle n’a pas de raison d’être. Pas plus chez Byron que chez n’importe quel autre artiste. Car artiste il fut : de sa vie, menant de front politique (il se dévouera à la cause grecque face aux turcs) et amours, reporter d’événements auxquels il souhaitait imprimer sa marque, tout en y ajoutant le sentiment de l’honneur. Ecoutons Lampedusa, qui connaît bien son sujet : « Pour la première fois le public anglais lisait un récit (Childe Harold) dans lequel l’artiste était reconnaissable, pour la première fois il entendait parler en vers d’événements contemporains, pour la première fois il percevait un rythme discursif, une musique malicieuse dans laquelle l’ironie, la tendresse, le sentiment de la vie et de la mort étaient mêlés et lui étaient servis comme un cocktail ».
Allant à l’encontre des principes de cette « Nation de boutiquiers prétentieux » qu’est l’Angleterre, Byron s’amuse d’un rien, jette un bon mot à la figure d’un compatriote, se bat en duel, prend la mer pour échapper à la pesanteur morale de la Régence, et s’enflamme de nouveau à la perspective de guerroyer sur une terre inconnue. Ce témoin et acteur de son temps ira jusqu’à définir la nature romantique (l’école française du même nom, qui avait ses épiciers, n’avait rien à voir). Lui est un dandy sachant faire donner la foudre. Soumis à l’instant, c’est un homme déchu, un Don Juan ne cherchant pas à devenir l’idole de lui-même. Il aurait pu faire sien ce fragment de Nietzsche : « J’ai toujours mis dans mes écrits toute ma vie et toute ma personne ; j’ignore ce que peuvent être des questions purement intellectuelles ». L’œuvre, justement, Lampedusa nous en parle en ces termes : elle est inégale, contient des jaillissements, mais aussi des vers ridicules. Elle pourrait être réduite à 300 pages incluant l’intégralité de son Don Juan. Ce qui n’est pas rien. En tout cas, ça peut suffire pour vouloir s’y replonger. Hier, comme aujourd’hui, les maîtres demeurent des irréguliers.