Ce manifeste en douze titres signé par une formation hongroise, venue tout droit de Budapest, exprime une problématique complexe. Il prétend aboutir à la forme la plus pure du genre klezmer, issu au départ des migrations et des trajectoires singulières accusées par les juifs d’Europe de l’Est, tout en précisant que la Shoah, elle-même basée sur un principe de pureté (tendancieuse et dangereuse certes), a tout effacé des formes les plus anciennes de cette tradition musicale.
En allant collecter les ambiances et les pratiques instrumentales liées à cette musique auprès des vieux, en espérant retrouver l’état d’esprit qui accompagnait les premiers sons klezmorin enregistrés pour gramophone, en reprenant un répertoire populaire en partie défendu aujourd’hui grâce à des musiciens tziganes qui jouaient aux côtés de leurs confrères juifs avant l’holocauste, les membres de Di Naye Kapelye* revendiquent une authenticité qui refuse toute forme de fusion (comme ce fut le cas avec certains artistes qui surent mélanger avec bonheur cette musique avec d’autres genres, notamment en recourant au jazz en Amérique du Nord). Violon, mandoline, accordéon, clarinette, basse, koboz… rendent hommage à des pratiques instrumentales supposées typiques des premiers pas effectués par cette musique dans les fêtes et célébrations juives d’antan. Un vrai travail basé sur une mémoire éparpillée qui se recompose.
Un travail que Di Naye Kapelye, dont le nom signifie benoîtement « nouveau groupe », mène avec beaucoup d’efficacité, malgré cette obsession de pureté klezmer et les ambiguïtés qui peuvent l’accompagner. Le Klezmer a toujours été une musique qui voyageait et qui se nourrissait beaucoup de la rencontre avec les autres cultures, bien que restant profondément juive dans son ensemble. Au final, on peut retenir ici l’émotion qui caractérise l’interprétation faite par le groupe. Elle est digne et singulière. Et c’est peut-être l’essentiel après tout…
* Di Naye Kapelyé