La grande marraine de la musique moderne camerounaise au mieux de sa forme. Plus de 67 ans et toujours autant de talent qu’à ses débuts. Et dire qu’il y eut des gens assez fous pour l’enfoncer dans l’oubli pendant de très longues années… Son histoire commence à l’âge de douze ans, à la suite d’un accident: « Ca m’a valu quinze ans à l’hôpital, à cause d’un pied mal soigné. Mon frère aîné me tenait compagnie en jouant de la guitare »*. Et la contamination a été rapide. Sitôt guérie, elle s’empare du micro, compose et surprend la profession par sa pratique du mvet (guitare traditionnelle). Le machisme des hommes mêlé à l’envie l’accepte très mal. Avant elle, aucune femme ne s’était aventurée à jouer de cet instrument. C’était dans les années 50. Très vite, de succès en succès, elle se taille une réputation de voix d’or au talent inimitable. Accumule les honneurs. Mais aussi vite que cela a commencé, la malhonnêteté de certains producteurs ainsi que l’indifférence de certaines autorités culturelles viendront mettre fin à son rêve. Les tournées prendront fin.
Et il faudra attendre longtemps après… pour que les Musiques Métisses d’Angoulême, festival très ouvert sur les nouvelles sonorités africaines nées de la rencontre entre les traditions les plus anciennes et le monde en marche, la redécouvre dans sa misère obligée. Une biographie sortie en 90, signée David Ndachi Tagne, avait déjà permis de lui redonner sa place dans l’histoire de la musique d’Afrique centrale. Mais l’album lui restitue sa voix et efface d’un seul coup les douleurs du passé. Dans sa vie antérieure de chanteuse à succès, elle faisait de l’assiko, du bolobo, de la rumba. Mais son rythme fétiche demeure le bikutsi de la forêt équatoriale. Un bikutsi énergique qui révèle un groove urbain sans retenue. Elle nous en gratifie avec un bonheur inattendu. On notera la présence sur cet album de Brice Wassy, Guy Nsangué, Noèl Ekwabi, Manu Dibango, Mario canonge, J.P. Rykiel, Douglas M’bida… autant de grands noms venus saluer son retour sur la scène.
*Source : Bouziane Daoudi, Libération