Léopoldville, années 40. L’un des frères Géronimidis, producteurs grecs du label Ngoma, a pris un jeune batelier de Kisangani, surnommé Wendo Sor (une contraction stylée du duc de Windsor), sous sa coupe. A la même époque, s’effectuent les premiers pas d’une musique qui inondera de bonheur toute l’Afrique. Il s’agit de la rumba congolaise. En studio, Wendo, qui est l’un de ses inventeurs, enregistre Marie-Louise, son premier tube, une chanson qui parle de drague et de beauté de femme, dédiée en réalité à la sœur d’une amie. La légende s’installe alors. Wendo devient une star, qui sera bientôt traqué par l’Eglise pour chanson satanique. On dit que sa Marie-Louise, chantée à minuit, réveille les morts. Il n’en fallut pas plus pour aiguiser le courroux des saints pères. Ainsi se racontent les débuts du vieux Wendo dans les bars enfumés de Kinshasa, à l’heure où Christian Mousset, dénicheur de talents « assermenté » sur l’Afrique, est venu ressortir le répertoire de ce fabuleux chansonnier, dont les véritables débuts remontent aux années trente.
Wendo Kolosoy, lui, n’oublie pas, à l’instar des vieux papys cubains que la mode a ressortis de l’immense placard des années cinquante, que le public est capricieux. Longtemps, il est resté dans l’ombre, détrôné disait-on par les nouvelles générations. A soixante-quinze ans, il reste des plus lucides, tout en nous invitant avec sa voix de crooner infatigable au revival de ces années de rumba acoustique, où la fluidité des sonorités de guitare appelle à l’insouciance et au bonheur de vivre, malgré une situation coloniale contraignante. L’album rend un hommage à Pépé Kallé, disparu en novembre 98, à Paul Kamba, son ancien alter ego de l’autre rive (à Brazza), nous parle d’amour et de dignité… Avec une cerise sur le gâteau, un duo avec une autre grande égérie de la chanson africaine : la Camerounaise Anne-Marie N’zié, elle aussi remise au goût du jour il y a deux ans par Mousset. Une musique légèrement aérienne, qui puise sa force des deux rives du Congo.