Le Chemin des lucioles se situe dans un entre-deux inconfortable du cinéma, à mi-chemin entre la leçon d’histoire (c’est son côté Amen : tout ce que vous avez toujours voulu savoir des kamikazes et qu’on vous a caché) et la poésie en prose filmée (la vie, l’amour, la mort, les lucioles). Rien à dire sur le premier plan, la transmission historique est assurée par une bonne douzaine de scènes où tout est dit de la condition des jeunes soldats envoyés au casse-pipe durant la guerre du Pacifique : l’espoir, le conditionnement, la douleur et la solitude sans fond des familles endeuillées.
Sur le plan cinématographique malheureusement, le film tire sur les cordes d’une empathie dont on regrette le manque de finesse : flash-back mastoc et patauds, intrigue forcée (la maladie et la vieillesse font crouler l’ensemble sous un pathos digne d’une publicité d’assurance-vie pour retraités de la fonction publique), mise en scène sclérosée, interprétation paralytique. Mais le pire du Chemin des lucioles vient de son côté poésie du Soleil Levant mal dégrossie, avec au menu paysages champêtres, brise d’automne, fruits du jardin et, surtout, d’horribles mouches maquillées en lucioles verdâtres (l’esprit des soldats qui revient par la fenêtre, juste au moment où on en parle). Il n’est pas question ici de juger le film dans sa volonté éperdue de dévoiler un peu de l’histoire rentrée d’une patrie, mais sa façon de tout forcer, de se complaire dans le cérémonial et l’officiel au détriment de toute question de représentation.
A peine regardable, Le Chemin des lucioles rend un bien triste hommage à ses héros oubliés en les rendant à la mémoire collective de façon si pompière et emphatique. Filmé et interprété sous Prozac, cet interminable chemin de croix prend des allures de lent pèlerinage d’anciens combattants : cérémonies et discours se succèdent pour ne laisser au spectateur que l’impression d’avoir assisté à un enterrement de première classe. Pas forcément la meilleure voie pour répondre aux enjeux posés par un tel film : l’exhumation, la mise à jour d’un passé que Furuhata transforme lentement en lieu commun de l’histoire.