Fred Hersch (p) – Enregistré en février 1997 à Stamford, Connecticut.
Fred Hersch est un habitué des hommages. Après Bill Evans, Johnny Mandel, Rodgers & Hammerstein et Billy Strayhorn, c’est un grand génie insuffisamment reconnu en son temps qu’il honore ici. De nos jours, la musique de Monk déplace les foules -il n’est que de voir le succès que rencontre en ce moment le Monk Tentet All Stars dans nos contrées- alors que de son vivant elle était considérée comme « difficile ». Il faut demander à Steve Lacy l’accueil plus que réservé qu’il reçut quand, avec Henry Grimes, Rosewell Rudd et Dennis Charles, il décida de jouer la musique de Monk dans les années 50. Fort heureusement, donc, de nos jours ce n’est plus le cas et les hommages récents au maître ne se comptent plus, à commencer par celui de T.S. Monk, son rejeton batteur. Il est souvent difficile de partager le bon grain de l’ivraie, la sincérité de l’opportunisme. Mais ici, point d’hésitation, tout le bien que l’on a pu penser de Fred Hersch est confirmé, voire amplifié. On savait, pour avoir eu la chance de l’entendre en club, qu’il affectionnait particulièrement cette musique.
Elle le lui rend bien, une véritable histoire d’amour entre le maître de 1998 -car pour nous c’est ce qu’est Fred Hersch, un maître- et la musique des sphères. Chaque thème est analysé, poli et magnifié sous les doigts du pianiste. Ici pas de verbiage, non, c’est l’essence même du travail que l’on peut deviner long et passionné qui nous est rendue. Des thèmes comme Ask Me Now ou Evidence sont véritablement transcendés. Ecoutez surtout Five Views of Misterioso où Hersch reconstruit l’art de Monk autour de cinq lectures d’un de ses thèmes les plus célèbres. Un toucher inégalable, une sensibilité souvent désarmante, tel est Fred Hersch dans ce splendide opus, certainement un de ses meilleurs à ce jour.