Et de trois ! Après les délires tordus et amusants de Mr Oizo et Juan trip, F Comm sort son troisième grand disque et pas n’importe lequel : celui du patron du label, celui de notre DJ national favori aux cohortes de fans, celui du mixer qui n’a jamais pris de pseudo : Laurent Garnier ! (applaudissements, etc.) Derrière une pochette géniale et crade qui vous met sous le nez une techno à visage humain (c’est la tendance : on dirait que les designers de pochettes techno ont compris qu’ils avaient le droit d’utiliser autre chose que des logos 3D, c’est pas trop tôt !), Laurent Garnier a sorti avec ce disque son classique de Detroit, son hommage à ses maîtres, son chef-d’œuvre de compagnon de la techno. Douze titres (différents sur le vinyle -DJ oblige) qui font le tour de ce que la techno a de meilleur.
Après une intro un rien pompeuse et new age (Laurent a un petit côté Aphrodite parfois, les grosses ficelles ne lui font pas peur…), le beau City sphere distille une atmosphère à mi-chemin entre Ken Ishii et 4hero : la grande ville, le jazz, la nuit. Forgotten thoughts commence par quelques chants d’oiseaux et se poursuit mid tempo avec de bonnes grosses basses et des frissons glacés. The Sound of the big babou, sorti en single, veut faire danser tout en charmant l’oreille et c’est réussi : Orbital n’est pas loin, les clubs non plus. Unreasonable behavior (à écouter sur son site) est un court intermède accompagné d’un discours du genre « total respect pour la techno underground » repris sur le dernier titre : un peu ridicule mais on lui pardonne vu qu’après presque quinze ans d’activité, de l’Hacienda au Rex, il fait lui aussi partie de l’histoire maintenant. D’ailleurs, Cycles d’opposition qui suit est magnifique : techno ambient comme on la concevait il y a dix ans et qu’on regrette de ne pas entendre plus souvent. L’electronica n’existait pas encore, Warp débutait, les raves étaient magiques, c’était bien. Trêve de nostalgie déplacée, le long The Man with the red face réveille nos ardeurs et nos soupçons : nos ardeurs parce que c’est de la bonne house music groovy en diable, et nos soupçons parce que le saxophone, cet instrument chéri des dentistes, est un peu limite. A ce petit jeu-là, St Germain s’était quand même bien planté malgré le déluge d’éloges qui avait accompagné la sortie de son disque. Mais on oublie tout quand on danse. Communications from the lab, encore un clin d’œil à la « famille » F Comm, plus expérimental, surprend. L’orgue de Pram chez Laurent Garnier, on n’est pas habitué. Greed, l’inévitable morceau electro, remplit son office de cybotronnade du disque. Qui n’a pas été influencé par Juan Atkins, d’ailleurs ? A notre grand plaisir, Dangerous drive reprend le thème historique de la conduite sur autoroute avec quatre baffles déversant une techno hypnotique dans l’habitacle du véhicule. Efficace et meilleur de nuit. Pour finir, le poétique Downfall se permet une excursion très contemporaine dans l’univers du clic, du bleep et du glitch. Il sait tout faire, ce gars-là.
En conclusion, disons qu’Unreasonable behavior est clairement le tribute de Laurent Garnier à ses héros américains de Detroit, New York ou Chicago, qu’ils s’appellent Juan Atkins, Kenny Larkin, Kevin Saunderson, Stacey Pullen ou Jeff Mills. Un disque très personnel, non pas gorgé de tubes mais passionné et composé de main de maître. Un dernier conseil : lavez-vous les mains avant de le toucher !