On a pu lire que Take my head était l’ultime chef-d’œuvre de cette fin de siècle, voire le pendant de Mezzanine (Massive Attack). Hou la la, non ! Halte au feu ! Rien à voir. On n’est pas dans la même catégorie. Bien que de bonne facture, Take my head ne restera pas dans les annales car c’est un disque de variété, de passage. Par contre, ce qui intéressant, c’est le fondement de ce buzz autour des Londoniens. Car il y a un débat sur Archive. Enfin, un petit débat. A savoir : Londinium, leur premier album, est-il le suiveur de Dummy ou bien son précurseur ?
Sur le papier et dans les faits, Londinium est sorti effectivement après le chef-d’œuvre de Portishead. Dont acte. Que nenni, disent certains : il a été enregistré au même moment mais sa (sale) maison de disques l’a édité après ! Pfff… Sur le lecteur CD, on se fiche bien de savoir si c’était avant ou après. Londinium reste un excellent premier album : une pièce de plus à ranger dans le panthéon trip hop, à l’instar du Maxinquaye de Tricky ou de l’incontournable Radar d’Earthling. Archive a frappé fort, il a également promis scènes et autres grandes choses, mais bien vite on a eu de mauvaises nouvelles de ce groupe dont la tête pensante (Darius G) se terrait comme un rat dans son studio. On a même parlé de séparation. Ça sentait sa légende mais c’était plus banal. Certains ont sanctifié cela, façon drame international. Mais franchement, la nouvelle n’a jamais gâché un seul de nos après-midi. Avouons donc que ce qui agace ici, c’est cette espèce de mayonnaise qu’on essaye de monter autour d’Archive.
Evacué cet avertissement, on peut parler calmement de Take my head, deuxième opus qu’on n’attendait pas. On n’a pas dit qu’on s’en fichait, mais alors, quitte à jouer le jeu, autant dire franchement que la déception pointe à l’écoute. C’est vrai qu’Archive évite l’écueil du Londinium n°2, même si Londinium aurait mérité une suite du tonneau (et désolé de les comparer encore à eux) de Portishead, et Protection de Massive Attack, qui surent réussir un deuxième album sans dévisser, plutôt que cette livraison un peu fade. Il faut dire que les belles voix d’Archive se sont barrées (ce qui est dommage) et que les samples de batterie ont été remplacés par un vrai bonhomme (ce qui n’est pas si mal). Archive s’affiche désormais comme un groupe soudé, ressourcé, voire neuf. Or, pour un « premier » album, Take my head est sympathique, mais bien loin d’être renversant.
Take my head séduit mais ne convainc pas, sauf dans les arrangements, petites sucreries délectables, et encore, un air de déjà entendu le rend familier. Ainsi, le « lead » de The Way you love me semble un peu trop inspiré du Unfinished sympathy de Massive. Quant à Well known singer, il sonne comme du Garbage. Si l’on reviendra fréquemment sur les boucles très « Depeche Mode dernière période » de You make me feel, et la série successive et bien tournée de Woman, Cloud in the sky (une réussite mélodique), et Take my head, on passera en revanche sur le chant (une de leurs copines) qui ne soulève rien, même pas le cœur. C’est plat. Ce qui est un comble dans ce genre d’entreprise où l’ambiance joue beaucoup dans l’appréciation du produit. Take my head, assez décousu, manque singulièrement d’âme. Il n’est pas habité, ou alors dans une seule pièce de la maison : le vestibule, dans lequel il passe, mais sans trop rien casser.