L’antre de Neptune, ou le retour de deux obscurs vétérans de la techno de Detroit, enfouis au plus profond des trésors sous-marins du collectif et label Underground Resistance. Comme tout ce qui provient de ce coin des mers, un épais brouillard entoure le groupe. Leurs excursions en dehors des labels de Detroit (Submerge, UR) ont d’ailleurs été rares (Warp, Rephlex) mais il nous reste la musique : rythmiques électroniques motorisées, nappes futuristes et surtout, omniprésent, le thème récurrent d’un monde aquatique imaginaire ou pas, habité par le peuple des Drexciyans, créatures sous-marines semblables à celles qui devaient habiter l’Atlantide.
Aujourd’hui, ce Neptune’s lair scelle une fois de plus le lien entre Detroit et Berlin, entre les racines de la techno de Detroit et les clubs européens. Vingt titres merveilleux de traditionalisme et d’artisanat techno à son plus haut niveau, plus un titre caché qui dévoile au curieux le spleen (new wave) d’une sirène. On trouve donc sur ce nouvel album aussi bien des coraux qui s’épanouissent depuis l’époque de Kraftwerk (Universal element, Oxyplasmic gyration beam), de puissants oursins électroniques (Fusion flat, Andreaen sand dunes), du funk libre et mélancolique (Running out of space, Funk release valve) aussi bien que de solides requins qui nagent en 4/4 dans les eaux troubles des clubs du monde du silence (Species of the pod). Bien sûr, les prêtres de la pêche aux huîtres ne sont pas oubliés et on entend bien un peu de Klaus Schulze par-ci, par-là, c’est normal. Bottom feeders, par exemple, combine agréablement la charpente épaisse des costumes Robert Armani avec les douces mélodies de Gary Numan, va savoir. Aussi bien spatiale que sous-marine, aussi bien dansante que méditative, la musique des soldats Drexciyans est profonde et ancestrale. C’est le blues électronique, le chant des pêcheurs, l’ivresse des profondeurs. Il n’y a pas si longtemps que ça, d’autres groupes de musique noire avaient évoqué d’autres mondes : Herbie et ses Headunters, Parliament, Jimi Hendrix. Le lien est direct.
En bref, Neptune’s lair est un album magnifique pour tous les fans de techno « classique » (amis de Cybotron, Model 500, Kraftwerk, Kevin Saunderson, Jeff Mills, bienvenue dans notre royaume). Tresor est un label habitué à la qualité, dont la qualité des connexions aussi bien historiques que géographiques est une fois de plus confirmée. Sorti il y a dix ans, ce disque serait un classique. Dans ma discothèque, c’en est déjà un.