A la fois thriller horrifique, portrait de serial-killer et drame familial, Emprise, premier long métrage du comédien Bill Paxton (Un Plan simple de Sam Raimi) intrigue au départ par l’originalité de son traitement. Contrairement à la majeure partie des films évoquant les frasques des tueurs en séries, Emprise n’a jamais recours à une surenchère d’effets bizarres ou glauques pour mettre en images son histoire. Pas de montage ultra-rapide ou d’esthétique aux couleurs volontairement saturées comme il en regorge par exemple dans Chopper de Andrew Dominik. Si bien qu’au début, on peut aisément considérer Emprise comme un drame psychologique évoquant le parcours d’un individu en train de sombrer dans la folie. Alors qu’il élève seul ses deux fils, un père jusque-là paisible est persuadé d’avoir reçu la visite d’un « Ange » qui lui aurait confié la mission « très spéciale » d’éliminer tous les ennemis de Dieu. Le bon père de famille se transforme alors en bûcheron vengeur entraînant dans ses raids meurtriers ses deux rejetons.
Tout entier concentré sur le secret qui réunit ces trois êtres et ce qu’il implique dans leur relation, Emprise réussit à créer un climat oppressant sans avoir à forcément montrer les sanglants assassinats. La meilleure partie du film se situe ainsi au début du délire paternel avec l’annonce aux deux fils de l’imminent passage à l’acte et l’attente stupéfaite de ces deux derniers. Alors que le plus jeune considère son père comme un super-héros, l’aîné doute de la santé mentale de son père. Plus que la descente en enfer de la famille, Paxton organise dans cette partie l’affrontement entre l’influence du modèle paternel tout puissant et le sens critique du jeune Fenton. On est alors d’autant plus surpris par le virage radical et la tournure nauséabonde que prennent les événements par la suite. Abandonnant la thèse de la maladie mentale, le réalisateur décide de transformer en justicier son héros serial-killer reniant par là même tout ce qu’il a érigé depuis le début. Les victimes sont ainsi présentées comme d’authentiques pêcheurs -papi pédophile et autres infirmières perverses- justifiant les actes meurtriers de celui qui se prénomme « la main de Dieu ». Et le film de sombrer dans ce qu’il entendait (maladroitement ?) dénoncer : l’extrémisme religieux.