Une brochette d’écrivains figurera, ce samedi soir, au casting de la reprise d’ONPC, sur France 2. Enfin, d’écrivains : on se comprend. Des écrivains médiatiques, disons, qui partagent leur temps entre la télévision, les festivals, la radio (beaucoup) et leur table d’écriture (un peu). Recevoir des écrivains, des vrais (avec un débit lent, une incapacité tragique à sortir des vannes, un look à faire peur), n’est évidemment pas possible dans une émission comme ONPC ; elle n’a de toute façon pas été conçue pour ça, on ne peut pas l’en blâmer. Et vu que France 2 a renoncé à toute ambition d’afficher de vrais écrivains à l’écran, on doit se contenter de ceux qu’accueille le show du samedi, au milieu des acteurs, des humoristes et des gens de théâtre. Vive le service public.
Donc, il y aura Yann Moix, propulsé, comme chacun sait, au poste de chroniqueur-vedette. Dans quelques mois, l’anthologie de ses plus grandes sorties télévisées prononcées sur ce plateau paraîtra peut-être en librairie ; nul doute que ce sera son meilleur livre.
Ensuite, il y aura… Michel Houellebecq. Ah, il sort un livre ? Non. Mais il est invité quand même. C’est à ça qu’on reconnaît les grands écrivains : ils vont dans les émissions promotionnelles quand ils n’ont rien à promouvoir. Si Ruquier le reçoit, c’est, sans doute, en raison du feuilleton qui l’a opposé cet été au Monde, tout en le rapprochant du Figaro Magazine où la série de ses entretiens estivaux s’achève. 589 romans paraissent, mais la télévision reçoit un écrivain qui n’en publie pas, mais sur qui on a écrit des articles. Tout va bien.
Last but not least…
Enfin, il y aura la reine Christine. Christine Angot, oui, pour son Amour impossible dont tant de gens nous disent que c’est un livre bouleversant, extrême, profond, puissant, intime, déchirant, magnifique, etc. C’est là que ça devient marrant, ainsi que nous l’apprend un écho de l’Express, repris partout depuis. Au début, Christine devait être la seule invitée littéraire. (Entourez « littéraire » des guillemets que vous voudrez). La reine, quoi. Ca lui plaisait. (On se demande pourquoi, vu qu’à chaque passage dans ce genre d’émission, tout foire – son départ du plateau à l’époque Ardisson, sa prise de chou avec Natacha Polony la dernière fois, etc. Mais il faut croire qu’elle aime ça, les clashes, les moments de tension, le spectacle ; c’est son milieu vital, l’air où elle s’épanouit – des projecteurs, du public, de la tension nerveuse.) Sauf qu’au dernier moment, paf ! Elle découvre que Houellebecq sera là aussi. Et qu’il sera, du coup, le roi. Ajoutez qu’elle avait vaguement protesté en janvier contre Soumission, ce livre si méchamment anti-islam, etc. (Christine pense bien, comme chacun sait). C’eût été l’occasion d’un débat, direz-vous ; mais Christine n’est pas très forte pour débattre (elle n’a pas d’idées, mais des réactions), et débattre avec une anguille droopyesque comme Houellebecq ne serait pas de la tarte.
Donc… Christine a menacé. Lui ou moi. S’il vient, moi pas.
Quelle menace ! Ne pas avoir Angot sur le plateau ! Le duo Ruquier-Barma a sans doute tremblé.
Comment font-ils, chez Flammarion, pour éviter que leurs deux auteurs maison se rencontrent par accident dans un couloir ?
Finalement, une solution a été trouvée : ils seront reçu tous les deux, mais séparément, sans se croiser.
Houellebecq viendra parler d’autre chose que de littérature, puisqu’il n’a pas publié de roman en cette rentrée.
Angot viendra parler d’autre chose que de littérature, puisqu’elle a publié un roman en cette rentrée.
A part ça…
A part ça, 588 autres romans (589 moins Angot) paraissent, dont certains, vraiment, valent le détour.
Stéphane Vanderhaghe, inconnu au bataillon (c’est son premier), publie Charøgnards (Quidam), étonnant roman fantastique qui louche du côté des Oiseaux de Du Maurier/Hitchock (ambiance pensante, animaux – fictifs ? réels ? – menaçants), tout en expérimentant d’intéressants effets de mise en page.
Tristan Garcia, bien connu des lecteurs de Chro, fait tourner sa machine à inventions à plein tube dans 7 (Gallimard), sept récits fantastiques modernes, qui réactivent et actualisent de vieux thèmes. Une idée à la minute, ce garçon.
François Dominique continue ses mondes utopiques avec Dans la chambre d’Iselle (Verdier), sur un monde d’après la catastrophe. Etrange, envoûtant, dans un style très pur.
Xavier Mauméjean expédie le jeune Kafka et son ami Max Brod en séjour à Paris dans… Kafka à Paris (Alma). Pimpant, savoureux, pittoresque.
Nathalie Côte explore les rêves tristes de la classe moyenne dans le très bien vu Renversement des pôles, comédie sociale acide et mélancolique (Flammarion), qui en dit long sur notre époque.
Voilà pour cette première petite salve. Des chroniques suivent, en ligne sur Chro.