L’easy-techno rend con, paraît-il… Ou du moins puisqu’il faut mettre des visages sur cette appellation, la plupart des groupes de la « french touch » -pour les cerner, achetez l’intégrale des compilations Source Lab. Soit ce « courant » brassant la house classique, le loungecore electronique et le trip-hop atmosphérique au grand dam des ayatollahs de la techno expérimentale. Il est vrai que depuis « zee international success » de certains de nos concitoyens, une pléthore de DJs scratcheurs se sont engouffrés dans la formule au risque d’agacer, parfois à juste titre, nos fondamentalistes pré-cités… Nouveau venu dans la course -on le connaissait surtout grâce au single malicieux Joli dragon– Le Tone étonne et détonne…
A première vue, après l’écoute d’un album joyeusement foutraque et surprenant, on jurerait que Le Tone tente un crossover impossible et maladroit entre une ligne claire mélodique, binaire-neuneu, et une approche plus « bruitiste » à coups de klaxons et d’éviers qu’on débouche… Autant le dire tout de suite, la deuxième catégorie n’est pas la plus convaincante sauf lorsqu’elle déconne vraiment à pleins tubes –Expression du domaine de la lutte avec ces scratchs survitaminés et ses hurlements inhumains, un hommage caché à Houellebecq ? C’est dire qu’on oubliera certains morceaux comme 7th floor, qui ne vont nulle part, pour se pencher sur des choses plus conformes à l’attente qu’avait suscité Joli dragon : des compositions qui peuvent sembler « faciles », revivals incertains d’une electronique seventies biberonnée au Bontempi. Des instrumentaux pas vraiment dansants, qui partent dans tous les sens, mais dont le seul mot d’ordre semble être : « nan-nan ». Telle cette Mauvaise graine minimaliste et enlevée ou Is it love, cocktail improbable de voix de crooner et de chants asiatiques méchamment accélérés. Mais Le Tone n’est sans doute pas du genre à se laisser cerner aussi facilement, et, histoire de nous dérouter encore plus, prend quelques virages à 180 degrés : ainsi, le bien-nommé Rocky VIII, seul épisode véritablement fulgurant, aux résonnances big-beat, qui puisse espérer avoir les faveurs des dancefloors, ou dans une veine plus grave et plus perverse, le formidable Bittercrop qui débute comme une chanson de Massive Attack (le bruit de baleine trop tendance) puis torture Billie Holliday de la façon la plus iconoclaste qui soit, donnant soudain à l’album une toute autre ampleur.
À n’en pas douter, ce Petit nabab attirera les foudres de ceux qui n’ont pas gardé une âme d’ado attardé et qui attendent qu’un album conserve une certaine cohérence linéaire. Par contre, il n’est pas impossible qu’il finisse par illustrer plusieurs émissions de l’Œil du Cyclone, son équivalent audiovisuel. A vous de choisir votre camp !