Voilà un disque qui témoigne bien de l’ébullition actuelle de Jon Spencer. En effet, après pas moins de quatre sorties en un an, ce dernier revient accompagné de l’une de ses formations les plus populaires : Boss Hog. On se souvient que le précédent album éponyme fut une vraie réussite, preuve que l’on pouvait encore être original et excitant en jouant de la guitare dans les années 90. Un succès qui était en partie dû au duo Jon Spencer/Cristina Martinez, complices de longue date puisque leurs premières exactions datent de l’époque Pussy Galore, le cultissime groupe punk de New York. Aujourd’hui la formule a légèrement changé, d’une part avec l’adjonction d’un responsable es électronique en la personne de Mark Boyce, d’autre part avec le départ de Jon Spencer du poste de producteur, ce dernier n’assurant plus que celui de guitariste (mais c’est déjà énorme !).
Ainsi Whiteout est un album nettement plus féminin que ne l’était son prédécesseur. Cristina Martinez a clairement pris les rênes de l’affaire. Certes, on entend toujours la guitare acérée de Jon Spencer, mais celle-ci est désormais en retrait par rapport aux machines et à une basse imposante. En résumé, Boss Hog a beaucoup perdu de son côté revêche et hargneux. En fait, il s’opère dans le groupe de Cristina Martinez les mêmes changements qui ont secoué le Blues Explosion il y a un an lors de la sortie d’Acme. Boss Hog a ajouté à ses atours punks ceux, nettement plus tranquilles, de la soul comme le prouve les chœurs ultra référencés du single Whiteout. La présence de claviers sur tous les titres confirment cette ouverture vers un univers plus organique. Ce revirement ne ravira sûrement pas les fans de la première heure mais on ne peut pas dire que Boss Hog se trahisse, l’agressivité est toujours présente. Il suffit d’écouter le séminal Monkey pour s’en rendre immédiatement compte.
Malheureusement, une production trop propre, des arrangements trop précis ont beaucoup fait perdre de la spontanéité d’antan. On peut d’ailleurs s’étonner de retrouver un des producteurs des Cardigans aux manettes. Boss Hog s’est acheté une respectabilité sonore de mauvais goût. Reste que la voix de Cristina est toujours l’une des plus excitantes du rock actuel et que Jon Spencer est toujours aussi balaise pour nous pondre des rythmiques vengeresses et bondissantes.
Alors, on pourra toujours saluer cette tentative de renouvellement, preuve de la volonté du groupe d’élargir ses horizons, mais le fait est qu’il est frustrant de voir qu’après presque cinq années d’attente ils ne sont pas arrivés à nous sortir un digne successeur à leur précédent brûlot.