On l’a déjà dit maintes fois, on le dit encore, les Roots sont, à l’heure actuelle, le meilleur groupe de rap live ; ce n’est clairement pas une légende. Pour les avoir vus plusieurs fois sur scène, je peux témoigner que les Roots dégagent en concert une énergie et une chaleur peu communes, et sans égales donc. On peut mettre à leur niveau, dans un style différent, les Beastie Boys, mais peut-on dire des Beasties que ce soit un groupe de rap au sens strict. Et si l’on veut aller encore plus loin, on dira des Roots que ce n’est pas qu’un bande de MC’s et de DJ’s, puisque l’on aura rarement vu un groupe de rap utiliser autant d’instruments, des vrais, sur scène. Depuis leurs débuts dans les petits clubs de Philly, mettre le feu avec un groove monstrueux produit par Hub le bassiste, qui ne fait pas semblant, et ?uestlove, batteur gentiment obèse et mais capable de toutes les finesse dès lors qu’il se retrouve derrière ses fûts, a été leur trademark. Concernant ?ueslove, il faudrait lui demander, d’ailleurs, si c’est une habitude chez lui de revenir pour les rappels avec une énorme pizza entre les doigts, ainsi que je l’ai vu faire deux fois. Il faut dire qu’il n’économise pas l’énergie, ici, c’est du « homemade ».
Cette fiesta rappesque peine pourtant, sur The Roots come alive, à démarrer, en dépit de deux des derniers hits du groupe balancés d’entrée, The Next movement et Step into the realm. On a une légère impression de sur-production, de timidité -rythmique un peu en arrière- dans l’engagement physique, chose primordiale pour les albums enregistrés en public, et qui est très dure à rendre sur disque. Heureusement, derrière, ça démarre, avec des titres plus anciens, plus jazzy peut-être, et qui font du bien tout de suite, Proceed et Mellow my man. Le premier de ces deux morceaux a d’ailleurs été capté à Paris, sur la scène de l’Elysée-Montmartre. Pour le reste, il faut quand même préciser, par honnêteté, que ce live provient de concerts divers, même si le Palais X-Tra de Zurich et le Bowery Ballroom de New York fournissent la majeure partie des bandes retenues. Difficulté accrue donc pour retranscrire la tension et l’ambiance que peuvent dégager un concert des Roots.
Mais finalement, ouf !, pas de problème : Don’t see us, 100 % Dundee, Adrenaline ! et le toujours extraordinaire Essaywhuman ?!! déboulent, et mettent une bonne claque. Pour ce dernier, qui est un classique et un des moments forts de chacune de leurs prestations, il convient de signaler qu’une version a été gravée sur le premier album des Roots, Organix, qui ne sera peut-être jamais égalée. On conseillera d’ailleurs, pour ceux qui ne l’auraient pas encore, l’achat de ce disque, il y a quelques années introuvable, car paru chez Remedy et rapidement épuisé, et depuis à nouveau largement rendu accessible aux populations.
Comment passer sous silence, également, Silent treatment, qui date de l’époque Do you want more ?!!!??!, ou même cette très jolie version de You got me, le titre imparable du dernier album, chanté pour l’occasion par Jill Scott, qui s’en sort très bien, dans un registre différent par rapport à Erykah Badu, qui avait prêté sa voix en studio. Au final, même si The Roots come alive ne rend qu’imparfaitement l’expérience Roots live -conseillée à tout le monde, vous l’aurez désormais compris-, c’est un bon témoignage de ce qu’un groupe de rap qui a des idées et du talent peut faire sur scène, et un vilain pied de nez à ceux qui continuent de penser que rap en concert = bullshit.