Retour à la case départ pour le sud-africain Neill Blomkamp, après une catastrophe industrielle (Elysium), qui reprenait les défauts d’un premier film lesté de ses influences (District 9) en oubliant au passage ses qualités de série B énervée. Retour à Johannesburg donc, à ses townships comme terrain de jeu marxiste et à ce que Blomkamp a priori sait faire de mieux : reprendre les choses où Carpenter les avait laissées dans Invasion Los Angeles ou le dyptique Escape, programme évidemment sympathique qui ne saurait faire de son héros autre chose qu’un réprouvé. À son exemple, on est ici clairement du côté des voyous, quand les flics ont été remplacés par une armée de robots indestructibles et suréquipés. C’est donc cette fois Verhoeven qui est d’emblée convoqué.
Robocop 2.0, Chappie fait ainsi partie d’une escouade créée pour nettoyer les ghettos de Johannesburg rongés par la guerre des gangs. Bon pour la casse, sa longévité limitée à cinq jours, son créateur le choisit pour y introduire un algorithme révolutionnaire qui le dote aussitôt d’une conscience. Et donc, plutôt que le partage de deux corps antagonistes, celui d’un corps et d’une âme, le temps d’un clin d’œil à Blade Runner. Désireux de trouver le bouton de la télécommande (sic) qui pourrait neutraliser l’escouade, un gang kidnappe l’ingénieur responsable de leur chômage forcé, qui en profite pour intégrer son programme expérimental sur le robot encore porteur d’un simple matricule, afin de le doter d’un prénom. Ce sera Chappie, élevé dès lors par des criminels mais limité moralement par son créateur qui lui fait promettre de ne jamais tuer personne ; le voici cette fois cousin de Terminator. Il apparaît très vite que Chappie, dernier né plutôt que génial prototype, peine à exister par lui-même sans prolonger sa lignée. On lui trouvera plus d’un circuit commun avec le « Numéro 5 » de Short Circuit (John Badham, 1985), éveillé lui aussi à la conscience et modèle évident de Wall E.
Ainsi Blomkamp préfère agiter sa mascotte geek au lieu de dialoguer vraiment avec ses références, dont l’une d’elles (la plus problématique), encombrait déjà District 9 : soit Cronenberg, en la personne d’un flic qui se transformait progressivement en alien pour changer de point de vue en même temps que de corps. Ecrasé par son trop plein d’idées piquées à droite à gauche, Blomkamp n’y prenait pas le temps d’en faire autre chose qu’une simple citation. Il en va de même ici, lorsque Chappie trouve à son tour le moyen de numériser l’âme des humains pour pouvoir la transporter dans le corps d’un robot. Il décide ainsi, outre son créateur, de sauver la braqueuse mortellement touchée, qui pour avoir été sa geôlière lui a néanmoins lu sa première histoire. Problème : le film qui commence alors et promet une inversion des pôles, se termine aussitôt. En gardant le meilleur pour la chute (une relecture politique de Cronenberg enfin idéalement couplé à Carpenter), Blomkamp confond humilité et paresse. D’autant que ce retour d’un changement de perspective lié à celui d’un corps semble pour le moins ce qui l’intéresse le plus. On prend ici le pari qu’à la lumière de Prometheus et de ses films, Alien 5 (qu’il doit réaliser) fera grand cas d’un métissage avec la bête. En attendant, celui qu’on aurait aimé voir, c’est plutôt Chappie 2.