Il y a encore quelques années, Capcom apparaissait comme le plus grand conquérant du jeu vidéo japonais, sous-traitant à l’envie ses anciennes et nouvelles licences aux occidentaux. Puis, d’un gadin à l’autre, à force de miser sur les mauvais chevaux (pourtant parfois intéressants, sur Bionic Commando ou Remember Me), le japonais a tout rapatrié sur son territoire, depuis devenu el dorado du free-to-play mobile. Si on était un peu apocalyptique, on dirait que Capcom est dans une mauvaise passe et son avenir incertain. Mais restent les licences fortes, les valeurs sûres, les Street Fighter (V bientôt) et l’increvable Resident Evil. Avant un probable, ou pas, septième épisode, la sortie de Revelations 2 fait presque état de banc d’essai pour Capcom. De jeu test permettant d’examiner à la fois son savoir-faire (autrefois réputé), et l’état de santé d’une licence dont, pour tout dire, on n’attendait plus grand chose.
Revelations premier du nom (épisode 3DS porté sur consoles ensuite) avait séduit par un retour sympathique, quoiqu’un peu opportuniste, à la formule originale de Resident Evil : celle de la lenteur, des couloirs, du survival claustrophobe renouant davantage avec les puzzles et les allers / retours incessant que l’action débridée et arcade, qui pourtant est l’essence de la saga. Revelations 2 reprend la formule de la formule, mais la dope au boom telltalien du jeu feuilletonesque. Conçu à la manière d’une série, distribué par épisodes (pas de longue attente de plusieurs mois en revanche, juste une semaine entre chaque partie), Revelations 2 veut ainsi redonner des couleurs à une licence en déclin. Quand on sait que la série est née de la série B, qu’elle a toujours reposé sur une logique de serial, qu’elle s’est entièrement construite autour d’une intrigue fragmentée, multipliant les points de vue, les embranchements, les brèches, il y a forcément quelque chose d’ironique à voir Capcom adopter ce qu’il a, au fond, toujours fait. Il n’y a pas plus feuilletonesque que Resident Evil, dont la dimension narrative a souvent été sous-estimée, et ce malgré la quantité de produits dérivés trop vite rangés au rayon peu glamour du fan service.
Du concept de série, Revelations 2 retient pourtant le désir de faire bouger quelque peu les lignes de sa licence en prenant la voie du jeu choral, où le joueur alterne avec deux couples de personnages (dont Claire Redfield) au milieu d’une intrigue aux vagues airs de Lost avec des zombies. Ce jeu en binôme qui, là encore, multiplie les points de vue sur un même endroit, est surtout l’occasion de varier le gameplay, un personnage endossant la partie action, quand l’autre l’exploration, les deux pouvant s’entraider (un mode coop est également proposé). Si on pouvait craindre ici le retour du sidekick encombrant de Resident Evil 5, le jeu évacue vite les problèmes d’autrefois, puisque le joueur peut switcher à tout moment ou presque entre les deux personnages, évitant ainsi les morts exaspérantes provoquées par l’IA. Si ce système permet de renouer là aussi avec certains mécanismes, il sert surtout à varier la progression au sein d’un jeu qui tout en cherchant à puiser dans son identité (retour des couloirs, de la lenteur mais aussi de l’arcade avec pléthore impossible de modes challenges), va butiner ailleurs. Ici un peu de Silent Hill pour l’ambiance, le décor (prison glauque au folklore cauchemardesque), là un peu de The Last of Us, pour l’infiltration et même le fait de repérer les ennemis au travers des murs. Revelations 2 se sert sans se gêner, histoire de distraire un peu mieux d’un level design sans génie (ironiquement signé Shinji Mikami, un homonyme), mais où l’on reprend néanmoins vite ses habitudes, actionnant ici un levier, ramassant là un rubis, ouvrant sans arrêt des portes entre deux headshots de zombies qui ont appris à sauter, c’est important.
Le premier épisode bouclé, le second à peine lancé (on y reviendra), Revelations 2 laisse un goût de spin off qui se cherche, un peu, se trouve, parfois, sans jamais faire émerger un quelconque véritable éclat, moment fort, ou basculement qui donnerait au genre (ou même à la licence) une nouvelle direction. Le jeu n’a pas la démence et la radicalité de The Evil Within, sans doute parce qu’il s’assume avant tout comme un pur produit, dernier ersatz industriel et safe d’une saga qui a oublié qu’avant, elle avait un auteur. Rien de grave pourtant, on est aussi là pour ça, et l’assumer c’est un peu reprendre Resident Evil comme une vraie série B, avec ses conventions, son opportunisme, sa paresse parfois, mais aussi son plaisir, non pas de la médiocrité, mais de la formule. Un art dont Capcom fût, autrefois, le roi.