Drôle d’idée, un livre sans titre. Ah, pardon : Cent titres. Des calembours comme celui-là, pas toujours fins mais désopilants à force d’accumulation, il y en a cent dans ce livre-objet cocasse préfacé par l’oulipien Jacques Roubaud. Clémentine Mélois y a rassemblé les détournements qu’elle invente depuis des années, en imaginant des faux livres célèbres dont elle confectionne la couverture, inspirée des maquettes des éditeurs français, avant de les photographier. Parfois, ça donne de simples jeux de mots : Mycologies, de Roland Barthes, Points-Seuil. Ailleurs, ça joue sur les références TV des trentenaires : Ulysse 31, de James Joyce, en Folio. Certains sont à double détente, avec un temps de latence : Mon fils, Georges Bataille, dans « L’Imaginaire » de Gallimard. (Mon fils, ma bataille : vous suivez ?) Isolément, ces inventions ne sont pas toujours drôles ; certaines sont tirées par les cheveux (Coyote, Jacques Lacan : on vous laisse trouver), d’autres ont un goût de fin de banquet (Oncques Hue, Dante). Mais, en série et lues à la suite, toutes font au moins sourire, et les plus drôle n’en paraissent que meilleures. Le Rouge et le Noir, Jeanne Mas. Cabernet Sauvignon, Merlot-Ponty. C’est potache et intello, vulgaire et raffiné. On pense aux anti-titres imaginés jadis par Guillaume de la Croix sur le site Monsieur Toussaint-Louverture (devenu depuis la maison d’édition qu’on connaît), en se demandant s’ils auraient connu le même succès en librairie : Les Mains dégueulasses ; Nagasaki mon chéri ; 37,3° le matin ; Canadian Psycho ; Le Petit livre orange… Sauf qu’ici, il y a l’image, comme preuve paradoxale. Conseil : jouez le jeu et abstenez-vous, dans un premier temps, de consulter les explications en page de gauche, même quand le gag n’est pas visible au premier coup d’œil. On suppose par ailleurs que l’artiste sera preneuse de vos idées, et qu’il doit être possible de les lui faire passer via sa page Facebook.
Photo : Clémentine Mélois