Finalement, Broadcast est peut-être le groupe le plus atypique de Warp. Ils confiaient d’ailleurs récemment à un journaliste du magasine Tracks que l’image du label les écrasait un peu. Il faut dire qu’avant d’atterrir dans la prestigieuse maison de Sheffield, Broadcast diffusait ses atmosphères à petite échelle par le biais de 45 tours chez Wurlitzter Jukebox ou Duophonic. Aujourd’hui, après le plaisant Work and non work, Broadcast revient avec un album plein du bruit que font les gens.
Peu électronique, pas techno, Broadcast est avant tout un groupe de pop anglaise, très proche de Pram, (en mieux produit), plus influencé par la scène C86 et Ennio Morricone que par David Bowie. Ainsi, l’album s’ouvre avec une douce contemplation construite autour d’un piano (Long was the year) qui fait beaucoup penser à Sonic Boom. Unchaining the windows distille un peu de lyrisme, comme du Lush au ralenti et avec un refrain intemporel. Un pur bijou de mélancolie, tandis que Minus one fait vraiment très Pram, autrement dit « musique pour film de SF des sixties sur une planète interdite », la tristesse en plus. Ca ne s’arrange pas avec Come on let’s go, qui me rappelle les Dead Famous People ou April March. Un chant féminin de cristal, une rythmique un peu pataude, des coulis analogiques de clavinette, le bonheur c’est simple comme une chanson réussie. En voilà une. Echo’s answer, présent sur le single, est une berceuse qu’on n’entend qu’à moitié dans une boule de neige tandis que Tower of tuning, moins réussi, s’enlise comme une démo lo-fi parmi d’autres. Et puis boum ! Deux morceaux de Stereloab ! Ah non, c’est Broadcast, mais on s’y croirait… Papercuts et You can fall reprennent tous les tics du labo stéréo, y compris les chœurs : un peu indigeste. Avec Look outside, le western spaghetti peut commencer mais ce n’est qu’avec Until then que les choses sérieuses reprennent : inquiétant et amer comme un instrumental de Robert Wyatt, un morceau beau comme un classique. City in progress prouve que le groupe sait composer et jouer de cloches et de chœurs comme lors d’une balade à Amsterdam. Enfin, le disque se termine comme il a commencé : avec un morceau de post rock chargé mais pas intéressant (Dead the long year).
En bref, un disque inégal mais qui recèle en son sein quelques perles de poésie. Quand Broadcast décolle, nous aussi. Un disque pour auditeurs reclus.