Marteen a la cinquantaine, il n’est pas en grande forme, il n’a plus un rond et il est célibataire depuis que son compagnon, Gaétan, a tiré sa révérence. Un obscur personnage lui propose alors une affaire : il voudrait faire obtenir des papiers belges à une jeune Noire dont il est amoureux, Tamara, mais il s’est déjà marié deux fois et les services de l’immigration l’ont à l’œil. Pourquoi Marteen n’épouserait-il pas Tamara à sa place, contre forte rémunération et la promesse d’un divorce rapide ? Incrédule, Marteen accepte. Mais attention : « Vous vous mariez avec elle, vous habitez avec elle, vous vivez avec elle, mais touchez un cheveu de sa tête et je vous massacre ». Le risque est mineur, Marteen étant homosexuel jusqu’au bout des ongles…
Ainsi commence une odyssée tragicomique, racontée dans ce nouveau roman avec toute l’exubérance de Tom Lanoye. Marteen, un peu déboussolé, doit cohabiter avec cette grande lionne noire qui parle à peine flamand mais qui prépare des petits déjeuners fastueux, et naviguer entre les pièges que leur tendent les contrôleurs sociaux de l’Etat belge, deux inspecteurs intrusifs qui fouillent les moindres recoins de leur vie privée pour s’assurer que le mariage n’est pas blanc. Derrière le scénario de comédie, Lanoye glisse une réflexion grinçante sur la vieille Europe racornie et la jeune Afrique entreprenante, tout en effleurant la question lourde de l’immigration.
Comme toujours chez Lanoye, romancier star dans les pays néerlandophones, dramaturge vedette joué partout, personnage tonitruant qui possède sa propre entreprise et dont les lectures publiques sont de vrais one-man-shows, l’écriture est ravageuse, le flot intarissable, les vannes innombrables, l’humour tranchant et sarcastique. Cette virulence détonante a aussi son revers : dans son élan, il étire sur près de 450 pages un scénario qui n’en justifie pas tant, d’où des creux où l’intensité chute. Mais la générosité débordante de l’ensemble, qui ne recule ni devant le burlesque le plus outrageux, ni devant la crudité extrême, fait tout de même son petit effet.