Si vous ne les avez pas vu maltraiter leurs guitares au dernier festival Villette Sonique, sachez que ces quatre enfants suédois des Swans et de Jesus Lizard ont sorti les très intenses Peer Amid (2012) et Dances in Dreams of the Known Unknown (2013), parfaites éruptions post-punk et psyché-noise, accompagnées aux vociférations et psalmodies par le chantre punk à barbe blanche Daniel Higgs, figure culte de la scène de Wahington D.C dans les années 1990 avec son groupe Lungfish (sur le label Dischord, avec les copains Fugazi ou Nation of Ulysses). Sachez aussi que le guitariste et compositeur principal du groupe n’est autre que Joachim Nordwall, manitou du label iDEAL Recordings depuis 1998 et collaborateur régulier de Mika Vanio (de Pan Sonic), Kevin Drumm ou Mats Gustafsson (dont il a récemment rejoint le FIRE ! Orchestra). Ceci explique sans doute la teneur plus expérimentale et électronique de ce nouvel EP de Skull Defekts et pourquoi il ne sort pas chez Thrill Jockey mais sur le plus électronique Diagonal (chez qui on retrouve aussi Powell, Prostitutes, Blood Music ou $hit & $hine).
Tiré en vinyle vert et en édition limitée à 500 unités, avec une jolie pochette de l’artiste maison Guy Featherstone, le 5 titres Street Metal serait issu d’une private joke entre Skull Defekts et Wolf Eyes (qui ont dégainé les premiers en qualifiant leur propre musique de « trip metal« ). Plus radical, moins pop, donc, que le précédent album, il se déploie en cinq flux tendus de guitares psychédéliques, fréquences graves technoïdes, synthétiseurs en boucles et percussions tribales minimalistes. Les points d’orgues étant les deux longs instrumentaux centraux, orages électriques pour rituels païens. Holy drums are singing (10 minutes et 17 secondes), avec ses étranges percussions réverbérées, rappelle le séminal et sépulcral Coup d’état du mancunien Bryn Jones, aka Muslimgauze, qui mariait en 1992 les rythmiques typiques du Moyen-Orient avec des drones noise, dans une ambiance post-Intifada. Viennent ici s’y greffer riffs de guitares saturées et drones de fuzz, en une litanie monotonale et hypnotique quoique hachée menue. La version dub du morceau, juste après, Holy Drums Dub (10 minutes 25 secondes), rejoue le tout en amplifiant les delays aquatiques et échos typiques du genre, doublant et gonflant la grosse caisse en une nouvelle version atmosphérique, plus minimale et presque clubbing, faisant passer les guitares en souterrains filtrés et lointains, sinusoïdaux.
Les trois autres titres sont moins dantesques et prenants, plus ancrés dans la tradition post-punk de Washington DC (guitares acides, larsens en liberté et paroles abstraites) mais voient revenir la voix précieuse de Daniel Higgs, en imprécateur-magicien punk, désormais sans doute cinquième membre à part entière du groupe. On attend donc de pied ferme un nouvel album de cette avant-garde suédoise sur le front de la noise qui fait un peu mal, mais qui fait qu’on se sent vivant, comme le gel sur les doigts. L’hiver arrive.
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