Un album des Tindersticks, ça s’attend normalement comme une gâterie un peu snob, et ça se déguste comme un gâteau à l’ancienne qu’on savoure dans l’intimité d’une chambre bien capitonnée plutôt qu’à la lumière trop crue du jour. Pour le coup, avec Simple pleasure, la tarte sent un peu le rance et le vieux garçon affecté. Stuart A. Staples, malgré tous les éloges qui ont chu sur ses cordes vocales, chante de plus en plus comme une vieille apoplectique se triturant le chignon, et derrière, les autres moulinent gentiment tel un backing band du dimanche. Et quand on se retrouve dès le premier morceau, Can’t we start again ?, avec les cordes plus qu’habituelles, les claps qui sentent la fin de tournage sur une pub Uncle Ben’s et des chœurs qui se voudraient « à la Supremes », mais qui finissent « à la Poubelles », on a clairement envie de répondre « non ». Juste derrière, il y a bien If you’re looking for a way out qui tortille un peu du cul, comme pour rappeler que les Tindersticks sont au mieux de bons faiseurs, mais de la part d’un groupe qui a pondu quelques morceaux réellement magnifiques, on est en droit d’attendre mieux, nettement mieux.
Pretty words nous fait illico replonger dans la mélasse, et on commence à se dire que le pire c’est que ces gars ne se rendent peut-être plus compte qu’ils deviennent plus chiants que la pluie tombant à Ostende un soir d’hiver. Il y a quand même une grande différence entre un style que l’on peaufinerait à l’infini, des idées récurrentes auxquelles on reviendrait sans cesse, tourmenté par le questionnement qu’elles provoquent, et un radotage qui n’a plus rien à voir avec le talent et encore moins avec l’inspiration.
Nous autres, critiques ou auditeurs, fans ou contradicteurs, avons peut-être quelque chose à voir avec ce naufrage. Peut-être avons-nous laissé croire à Staples et sa bande que cette pop de chambre noire, décalée et lyrique, mâtinée de soul velours et teintée de pessimisme déterministe était une fin en soi, un nirvana insurpassable, mais dans ce cas, les Tindersticks sont aussi coupables de ne pas nous avoir botté le cul en donnant une nouvelle impulsion à leur créativité. Et ce n’est pas Before you close your eyes qui y changera quelque chose, avec ses violons plus collants qu’une vieille tartine de miel et sa basse ronflante comme si un musicien de studio de Barry White s’était endormi à la tâche. Le plaisir, c’est simple comme un disque, mais la déception également. Alors, Can we start again ? Pas sûr du tout.