25 août 1944. «Paris ! Paris outragé ! Paris brisé ! Paris martyrisé ! mais Paris libéré ! ». La saison 6 d’Un Village Français s’ouvre avec la voix du Général De Gaulle qui résonne dans le transistor du commissariat. Neuf mois se sont écoulés depuis les derniers événements de la saison 5, qui s’achevait par la mort de plusieurs maquisards piégés par une attaque allemande. La Libération de Paris est actée, celle de Villeneuve approche, mais elle aura lieu dans la douleur. Les Allemands débarrassent le plancher en ordre dispersé, avec pertes et fracas. L’étau se resserre autour de la milice française et du Commissaire Marchetti (Nicolas Gob), qui tentent de quitter le village par tous les moyens. Tout comme Hortense Larcher (Audrey Fleurot) et son amant Heinrich Müller (Richard Sammel). Du côté des résistants, de nouvelles morts viennent ternir le dénouement favorable de la guerre. L’ancien commissaire Henri de Kervern (Patrick Descamps), nouveau préfet mandaté par l’autorité de De Gaulle, prend la tête de la Libération de Villeneuve. Des dissensions apparaissent avec les résistants locaux, communistes et membres du CDL (Comité départemental de Libération). Les prises de bec musclées durant ces réunions, avec menaces d’arrestation entre combattants du même camp, illustrent avec force la difficulté du passage vers une nouvelle autorité, qui ne peut être encore démocratique, et donc n’a pas de légitimité pour certains.
Cette saison 6 avance au rythme des dernières exactions allemandes et françaises (effroyables scènes d’exécution comme si la fin approchant, la barbarie redoublait), des avancées des américains et d’une victoire proche, mais qui se dérobe encore. La mort rôde partout au milieu de la débâcle des Allemands : chacun peut y passer à tout moment. Après des années à se battre dans la clandestinité et à côtoyer le morbide quotidiennement, certains résistants, à l’image de Marie, Antoine (Martin Loizillon) ou Suzanne (Constance Dollé), deviennent imprudents, inconscients du danger, persuadés de leur toute-puissance. Chez le personnage de Marie Germain (Nade Dieu), on décèle une vraie pulsion de mort, que son amant Raymond Schwartz (Thierry Godard) tente de refréner. Peine perdue. Esprit frondeur, grande gueule, orgueilleuse, ce beau personnage de femme ne souffre aucun compromis, dans une époque où la survie repose sur ce concept, même pour les résistants. La trajectoire des personnages féminins de la série devient par ailleurs très intéressante dans cette saison où les femmes comme Hortense, Jeannine (Emmanuelle Bach) et Lucienne (Marie Kremer) seront bientôt accusées de «collaboration horizontale». Elles risquent de payer cher leurs élans du coeur. Cette saison montre aussi que la place des femmes dans la société a changé avec la guerre. Elles ont travaillé, se sont battues aux côtés des hommes, se sont sacrifiées. Et si les résistances – incarnées notamment par le préfet Henri de Kervern et ses réflexions misogynes – sont fortes, l’évolution du statut de la femme est en marche. Rien ne pourra l’arrêter.
En ce début de saison, on perd les séquences intenses et inattendues qui ont aussi fait la force de la série (le procès du cafard ou le face à face surprenant entre Philippe Chassagne et Marcel Larcher en saison 5). Un choix des scénaristes qui s’explique tout simplement par les événements. On sent une urgence dans ces épisodes pré-Libération aux allures de thriller. Le temps n’est plus à la réflexion. Un Village Français arrive à la victoire finale, qui mènera à l’épuration, aux explosions de joie mêlées à une vraie sauvagerie, et à une soif inextinguible de vengeance. On n’y est pas encore, mais ces six épisodes en posent les prémices. Ils couvrent par ailleurs une très courte temporalité, quelques jours à peine entre le premier et de le dernier épisode, pendant lesquels le suspens est à son comble. En attendant La Libération, cette première moitié de saison 6 (la deuxième sera diffusée en 2015) s’inscrit qualitativement dans la continuité d’une œuvre fleuve, qui s’attache depuis le début à dépeindre à hauteur d’hommes une période fondamentale de l’Histoire de France. Pas de doute, Un Village Français est déjà un classique.