Après A Clone in the Dark, voilà A Game of Clones. Chez Curve Digital, studio / éditeur indé parmi les plus intéressants du moment (The Swapper, Qora, Lone Survivor, Thomas Was Alone, Proteus…), on recule, semble-t-il, rarement devant la possibilité d’un jeu de mot référentiel. Mais c’est d’abord ludiquement que les Britanniques ont des lettres comme le prouve Stealth Inc 2, suite exclusive à la Wii U d’un entêtant platformer cérébral dont on ne compte plus les versions parues depuis la fin 2011 (PC, Mac, Android, PS3, Vita…). Selon l’humeur, on peut en effet voir leur dernière création comme un Metal Gear cartoon ou comme un Oddworld light, un Portal en 2D ou un Super Meat Boy intello. Ah, et cet épisode 2 est aussi un Metroidvania – les niveaux-énigmes ont cette fois été disséminés dans un labyrinthe dont les divers embranchements s’ouvrent progressivement. Et pourtant, malgré tout ça, Stealth Inc 2 possède sa propre personnalité, qui ne manque ni d’élégance ni de piquant.
Notre héros est un petit clone à lunettes qui cherche à s’enfuir d’un sinistre centre de recherche. Pour ce faire, il devra manœuvrer avec finesse, progresser discrètement dans l’ombre, manipuler les interrupteurs, pirater les ordis et prendre les bons ascenseurs, éviter les tourelles armées et utiliser astucieusement quelques précieux gadgets bien pensés tel ce « pote gonflable » que l’on accueille à bras ouverts. Dans chacun des 60 tableaux qui sont autant de subtiles (et vaguement perverses) énigmes architecturales, l’enjeu est toujours double. D’abord, il faut trouver la solution, c’est-à-dire l’enchaînement d’actions prévu par les level designers – il n’y a pas ici de véritable place pour les variantes créatives. Ensuite, on passe à son exécution qui, même une fois que l’on a compris ce que le jeu attend de nous, ne va pas forcément de soi. Deux étapes, précisément délimitées.
Sauf que pas tout à fait. Car, par moments, au cours d’une partie de Stealth Inc 2, la frontière entre le penser et le faire devient plus floue, plus incertaine. Et on se retrouve à résoudre un problème sans l’avoir compris ou, plus exactement, sans être parvenu à le conceptualiser, à l’analyser. C’est-à-dire, au fond, à le mettre à distance, à s’en détacher. Les moments les plus irrésistibles sont justement ceux-là : ceux où le joueur agissant réfléchit mieux que le joueur raisonnant, ceux où la pensée s’incarne (ou s’invente, se révèle) dans le geste. Ce « miracle » se produit-il grâce à notre intuition typiquement humaine (on s’imprègne du design du jeu, on communie à distance avec ses créateurs) ou, au contraire, parce qu’au fond, en jouant et surtout en jouant bien, l’homme devient un peu une machine ? Le doute subsiste et il est pour le moins troublant.
Rien de neuf dans cette interrogation ? Oui, bon, peut-être, mais elle figure au centre de Stealth Inc 2. Mieux : c’est son sujet (les clones, les tests, le conditionnement) et son moteur. Sa raison d’être, notre raison de jouer. Il a par ailleurs le mérite de faire dans le hardcore bienveillant – on meurt souvent, et ça peut laisser des taches de sang, mais on reprend ensuite juste avant. Et puis le jeu possède un éditeur de niveaux. Et il utilise intelligemment le Miiverse (entre joueurs, comme dans Dark Souls, on se laisse des petits mots dans les recoins des niveaux). Et il peut se jouer à deux. Et il se renouvelle énormément. Et même tout seul, on s’y sent parfois plusieurs. C’est chouette. Le clonage est décidément une belle invention