En adaptant la série espagnole éponyme, la FOX et Steven Spielberg voulaient nous offrir notre nouvelle série préférée et un « bol d’air foudroyant » racontant la belle histoire d’amitié d’une poignée d’ados pensionnaires d’un hôpital pour enfants. Soumis à la pire des adversités (mort, cancer, anorexie, coma et autres pathologies plus sérieuses que les films réalisés par Angelina Jolie), ces symboles de vie nous auraient donné par la même occasion une leçon de courage édifiante et émouvante. Mais à la place, Steven a finalement préféré produire Red Band Society.
Se trouvant dans un univers parallèle où Nos Étoiles Contraires doit être considéré comme un documentaire méritant le Pulitzer, rien d’étonnant à ce que l’hôpital pour enfants de Red Band Society ressemble à une frat house dont les résidents fument de l’herbe, font les quatre cents coups et ont les mêmes problèmes que ceux de n’importe quel teen show … tout en se faisant parfois amputer. C’est d’ailleurs tout le problème d’écriture de série: l’équilibre précaire du show ne tient pas et nous renvoie à Glee et ses prises d’otages émotionnelles ou thématiques constantes. Si l’on en garde l’aspect teen show, les reprises de gros tubes sont remplacées par du drama médical rappelant les heures les plus tragiques d’Urgences (quand ça touche des enfants, c’est tout de suite plus facile d’émouvoir) tandis que les ambitions sérieuses (mais pas trop) et graves (mais pas tant que ça) ne prennent pas.
Red Band Society va vite, très très vite et déploie beaucoup d’énergie pour tourner à vide et ne surtout pas être suffisamment anxiogène pour l’on ne commence pas à se dire qu’il serait temps de changer de chaîne. Non, la série n’a pas le temps de s’apitoyer. Sa mission est d’être la feel good série de ces gosses qui vont mal et Le Cercle des Cheveux Disparus de tous les enfants malades. Mais à force d’éviter les sujets qui fâchent et les aspects fatalement moins glamour de son histoire, Red Band Society ne parle de rien. Elle achève de convaincre de son côté inoffensif en terminant son pilote avec une scène finale montée sur du Coldplay.
Ne reculant devant rien, la série est narrée par une voix off hyper envahissante et pas avare en lieux communs suffisants qui n’est autre que celle d’un gosse plongé dans le coma qui nous amène à nous demander s’il parlait autant avant de se retrouver dans cet état. Si l’on est amenés à se poser ce genre de questions, c’est que Red Band Society est littéralement insipide, malgré la nuée de personnages et l’arsenal de cache misères qu’elle emploie pour nous convaincre du contraire. En fin de compte, l’hystérie du script, la mise en scène virevoltante, l’omniprésence de musique pop sortie de la rotation d’une boutique de fringues pour ados et l’humour forcé au possible amènent à une conclusion pas forcément productive : être un ado malade coincé dans un hôpital pour enfants n’a jamais eu l’air d’être aussi cool, et c’est tout le problème de Red Band Society.
Sans reparler de la filiation de Spielberg avec la série, de sa fameuse scène de la douche de Schindler ou de sa façon de filmer les esclaves de l’Amistad comme le T-Rex de Jurassic Park, il est bon de rappeler que, dans certains cas, adapter la mise en scène à ce que l’on raconte devrait vraiment être une option à prendre en considération. Godard a bien fait rire son monde en avançant qu’un travelling était une affaire de morale, faisant du médium filmé une sorte d’apôtre de la vérité quand il n’est que reconstruction de toutes pièces de celle-ci, mais il a mis le doigt sur quelque chose d’important. En tant que spectateurs, nous savons très bien que tout ce que nous voyons est faux et que nous sommes manipulés par le scénario et la mise en scène parce que nous le voulons bien. Le problème de Red Band Society est que la manipulation est trop évidente et balourde pour passer si facilement. Du coup, où est l’honnêteté dans ce que la série veut nous raconter ?