Barry Levinson fait partie de ces cinéastes hollywoodiens qui oscillent entre les superproductions destinées à une exploitation mondiale de masse (Le Secret de la pyramide, Toys ou Sphere) et des œuvres que l’ancrage dans la société américaine rend, aux yeux des patrons de studio, plus difficilement exportables (Avalon, Jimmy Hollywood). Son nouveau film, Liberty heights, appartient, lui, de toute évidence à cette seconde catégorie que l’on peut rattacher à une veine plus personnelle, où le réalisateur s’intéresse à l’histoire de son pays et probablement aussi à la sienne. Ici, l’exercice s’avère vain tant le souci de reconstitution historique prend le pas sur le sujet du film.
Nous sommes à Baltimore, une dizaine d’années après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Deux lycéens, Ben Kurtzman et son frère Van, vivent dans une famille juive encore marquée par le récent traumatisme de l’Holocauste. Comme tous les jeunes de leur âge, ils commencent à découvrir l’amour : le premier avec une jeune Noire et le second avec une adolescente WASP. Tous deux vont bien entendu devoir affronter les difficultés liées à ces relations trop mixtes au goût de certains. Par ailleurs, les déboires du père Kurtzman dans ses affaires plus ou moins mafieuses finissent de compléter le tableau parfait de ce qui est censé symboliser la fin d’une époque… Barry Levinson est sans aucun doute un grand nostalgique, il n’en demeure pas moins qu’il a beaucoup de mal à nous le faire ressentir de façon convaincante. Tous les éléments visuels du film, les costumes, les accessoires, les décors, paraissent tellement lustrés qu’ils finissent par éclipser le semblant d’âme que veulent apporter les personnages. La photographie du film (pourtant signée par le chef-op de Wong Kar-waï, l’Australien Chris Doyle) en rajoute encore sur l’aspect clinquant et finit d’achever ce film totalement inoffensif.
Inoffensif parce que même une série aussi mièvre que La Petite maison dans la prairie apparaît plus proche d’une certaine image de l’Amérique. Au fond, c’est là que le bât blesse : Barry Levinson n’a finalement rien à dire sur son pays. Pas plus, en tout cas, que lorsqu’il réalise des hits comme Good morning Vietnam ou Rain man, ou des daubes comme Harcèlement ou Sleepers. La seule différence étant que Liberty heights ne sera jamais diffusé un dimanche soir sur TF1. Oublions-le vite pendant qu’il en est encore temps.