Projetée en avant-première au Festival de la fiction TV de La Rochelle, Paris va faire parler d’elle l’année prochaine. A l’origine du projet, on retrouve le tandem Virginie Brac / Gilles Bannier, à l’oeuvre sur la saison 2 d’Engrenages et Les Beaux Mecs. La scénariste a imaginé une histoire de destins croisés sur 24 heures, entre une poignée de personnages issus de milieux sociaux très différents : le premier ministre et son entourage, une chanteuse de cabaret transsexuelle, un hommes d’affaire un peu voyou sur les bords, des syndicalistes de la RATP… Rassurons les allergiques au cinéma de Claude Lelouch, Paris ne donne pas dans le romantisme échevelé. Filmée avec élégance et sobriété par Gilles Bannier, elle se distingue notamment par de jolies scènes de la nuit parisienne, qui convoquent le souvenir de Pigalle, la nuit. Le réalisateur réussit surtout à donner une unité à Paris malgré des ambiances, une lumière et un ton très différents selon les personnages suivis. Au scénario, l’auteur Virginie Brac prend son temps pour présenter ses différents protagonistes, sans donner pour autant l’impression de faire du sur-place. Ils représentent chacun l’un des visages de la capitale, lieu de pouvoir mais aussi de luttes sociales, où les Parisiens nantis croisent les classes les plus populaires.
Paris change de peau quand vient la nuit. D’autres personnages entrent en scène. Parmi eux, le rappeur Kool Shen pour son premier rôle télé, et surtout l’actrice Sarah-Jane Sauvegrain. Elle incarne avec talent Alexia, une transsexuelle solaire qui fera date dans l’histoire des séries françaises. A la manière de l’anglaise Hit & Miss (avec Chloë Sevigny), Gilles Bannier ose une scène bien “couillue”, évitant tout voyeurisme ou sensation de provoc’ gratuite. Au-delà de cette séquence qui fera forcément jaser lors de sa diffusion, le personnage d’Alexia, généreux et authentique, est le pivot de ce chassé-croisé parisien. Moulée dans sa robe étincelante, elle apparaît dès la première scène de la mini-série, lumineuse et envoûtante, entonnant une chanson de sa voix énigmatique, se déhanchant sur l’estrade d’un cabaret aux couleurs chaudes. Plus tard, elle fera le lien entre toutes les classes sociales représentées dans la série.
C’est inévitable dans une œuvre chorale, en particulier faite de destins croisés : certains arcs narratifs fonctionnent mieux que d’autres. Chez les Parisiens nantis, l’intrigue autour du Premier Ministre (Eric Caravaca) et de sa femme (Florence Pernel dans un rôle caricatural de bourgeoise à côté de la plaque) est clairement la plus faible. Les coulisses du pouvoir ont été mieux abordées dans bien d’autres œuvres ciné ou sérielles. On aime davantage l’idée de suivre les aventures tragi-comiques des chauffeurs de la RATP, sujet d’actu toujours brûlant dès que le mot grève est lâché, paradoxalement très peu évoqué en fiction. Les deux premiers épisodes que nous avons pu voir sont dans l’ensemble réussis et accrocheurs, ce qui n’était pas gagné d’avance avec un projet de cette ambition. Le Paris vu par Arte donne envie de s’y attarder, de redécouvrir les rues, les quartiers et les habitants d’une ville très souvent mise en scène, et qui conserve pourtant un pouvoir d’attraction indéniable.
Paris, 6×52 minutes, sur Arte début 2015