Après la mort du célèbre galeriste Felix Lord, Harriet Burden, épouse fantasque, colérique et bigger than life, relance une carrière artistique jusqu’alors plutôt confidentielle en questionnant le sexisme de la scène new-yorkaise et des instances culturelles en général au moyen d’une supercherie un brin perverse. A trois reprises, elle avance masquée, faisant se succéder sous les projecteurs des alter-egos mâles complices chargés d’exposer son travail créatif et élaborant de facto, selon ses propres termes, une personnalité poétisée « hermaphrodite ».

400 pages d’une densité à couper le souffle : Un Monde flamboyant, magnum opus d’un auteur qui n’est plus quant à elle, et depuis bien longtemps, une simple « femme de » (elle est mariée à Paul Auster), se présente comme une anthologie fragmentée à suspens. Les journaux de Harry, autobiographiques, ésotériques, vibrant de colères et de doutes, et les témoignages de son entourage, famille, observateurs et autres prête-noms, tissent un polar psychologique délicieusement sophistiqué. Qui ment, quand, et pourquoi ?

Au cœur de l’intrigue, la relation de l’artiste à Rune, son troisième partenaire de jeu, mégalomane épuisant et au moins aussi roué qu’elle, ravi, apparemment, de la prendre à son propre piège. Brassant considérations philosophiques, artistiques et psychanalytiques, le texte est une machine impitoyable, presque désincarnée dans sa perfection. En contrepoint : des personnages secondaires magnifiques, une inventivité romanesque permanente – le genre de livres qu’on adorerait détester, s’il présentait la moindre faille.

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©ArnaudMeyer