Back to schizo. En 1995, Comelade nous l’avait déjà fait pressentir à la clôture de son Musiques pour film vol. 2, le retour à la schizoïdation musicale avec son camarade de toujours, Richard Pinhas, était à venir. Non pas dans l’urgence, mais avec calme, cette collaboration s’est actualisée quelques années plus tard dans un album duo electronic vs plastic piano de haute volée. Les deux musiciens n’en étaient pas à leur première rencontre. Dès le début des 70s, alors que Pinhas officiait brillamment avec son groupe Heldon, Comelade l’invitait en « fan » dans son premier groupe Fluence, réponse minimaliste et électroniquement froide à certaines musiques germaniques ennuyeusement baba cool. Les chemins, on le sait, ne se séparent jamais vraiment ; tout au plus les lignes de force de chacun se font par intermittences. Lignes de fuite, elles savent toujours se recroiser un jour ou l’autre. Alors que Comelade poursuivait une carrière ascendante vers une reconnaissance publique de son art brut ultime, Pinhas finissait Heldon à coups de marteau à l’aube des années 80 pour continuer, dilettante, une carrière musicale empreinte de philosophie deleuzienne, de guitares frippiennes et de délires interzonaux et cyberpunks.
L’alliance des contraires alors ? D’un côté, une guitare acérée, violente, tournoyante qui passe des domaines de l’ambient à l’electro-indus sans que l’on s’en aperçoive, de l’autre une passion immodérée pour les pianos d’enfant, les mélodies faussement naïves, les percussions cassées au langage musical si particulier. Non pas un duel mais une alliance osmotique entre les rêves d’acier d’une guitare froide mais jamais frigide et les notes égrenées tranquillement ou psychotiquement par un Comelade en grande forme. Faisant suite au déjà brillant Oblique sessions I de Comelade et ses camarades de jeux (on y retrouvait alors l’ex-batteur de CAN Jacky Liebezeit, Pierre Bastien et Jac Berrocal), ce deuxième opus, Oblique sessions II, souligne à la fois l’extrême brillance de deux parcours musicaux d’exception et la magie d’un lieu, d’un moment et des hommes qui peut s’opérer parfois en studio. Du Fripp & Eno des années à venir, le talent y compris et la folie en plus. Ouais, Richard mieux qu’en 68 !