Première incursion télévisuelle de Platinum Dunes, la boîte de production de Michael Bay plutôt spécialisée dans les remakes et reboots de classiques du cinéma d’horreur, Black Sails s’attache à proposer une approche “dark et réaliste” (copyright Christopher Nolan) de la piraterie. Comme pour entériner son émancipation du giron Bruckheimer, Bay paraît vouloir faire la nique à ses Pirates des Caraïbes et à son emprise sur la série télévisée en produisant ce “Game of Boats” qui, s’il ne manque pas d’idées, d’ambition et de charme, manque malheureusement de pratiquement tout ce que l’on était en droit d’attendre d’une série de pirates.
Le pitch était pourtant prometteur : lors de l’abordage du navire sur lequel il travaille, John Silver (oui, celui de L’Île au Trésor de Stevenson) vole une page indiquant l’emplacement d’un navire espagnol chargé de trésors inimaginables. Afin d’assurer sa survie, il manoeuvre et complote autant que possible jusqu’à être pris sous l’aile du Capitaine Flint, un pirate dans la grande tradition. Ce dernier est menacé de renversement par ses hommes à deux doigts de la mutinerie, et leur promet une chasse au trésor dépassant tout ce qu’ils ont pu vivre jusqu’alors. Las, il faut attendre le cinquième épisode pour enfin assister à une véritable séquence d’abordage qui nous sera exposée de A à Z, de sa planification à son issue sanglante, pleine de bruit et de fureur. Avant cela, Black Sails reste à terre et semble prendre un malin plaisir à surdévelopper des personnages archétypaux que le spectateur avait cernés dès leurs plans introductifs, et s’empêtre dans des intrigues présentant un intérêt limité. Il faut bien avouer qu’un épisode tournant autour du nettoyage de la coque d’un navire pour le rendre plus rapide n’est pas forcément ce que le spectateur de Starz, à priori différent de celui de Thalassa, s’attend à voir sur la chaîne de Spartacus.
Le manque de budget est sans doute à blamer pour cette pénurie de spectaculaire, mais est-ce au spectateur de payer les pots cassés en subissant la litanie de complots et de basses manoeuvres que la série se complaît à multiplier en ne suscitant qu’un ennui poli frôlant le désintérêt total ? Rien n’est moins sûr et face au nombre de séries usant de cette économie ne ravissant que ses producteurs, la lassitude finit par hisser la grand voile. Ce n’est pas l’avalanche de personnages tous plus mal intentionnés les uns que les autres, de grossièretés forcées et de sexe frontal qui va cacher la misère. En cela, les amateurs de Game of Thrones et autres grandes sagas bavardes ne seront pas dépaysés, mais ceux qui s’attendaient à une grande épopée navale à la sauce Michael Bay risquent d’être déçus. La majeure partie de la série se déroule à terre, entre des plages, des bordels et des cases identiques les unes aux autres dans lesquelles déambulent des personnages au charisme la plupart du temps limité conjecturant sur des sujets rebattus et rapidement redondants pour qui a déjà vu une série de ce genre.
Quand les navires restent à quai, le frisson de l’aventure aussi. Si démystifier les pirates était l’un des buts de l’opération, alors Black Sails est une réussite absolue. Mais il subsiste un goût d’inachevé et une impression de trop peu. Sentiments contrebalancés par une trame générale discrète mais plutôt excitante, quelques personnages bien trempés, des batailles d’une efficacité certaine quand elles daignent se produire et un cliffhanger de fin de saison suffisamment enthousiasmant pour motiver un coup d’oeil sur la suite des événements. Des promesses qui, on l’espère, seront cette fois tenues.