Sortant sur les talons de Veterans of disorder, ce EP cinq titres (17 minutes sur la platine) s’inscrit dans la nouvelle campagne d’envahissement des bacs à disques inaugurée par Royal Trux en ce début d’année. Après douze ans de rock narcoleptique et déjanté, Neil Hagerty et Jennifer Herrema ont décidé de s’amuser à sortir le plus de musique possible pendant une paire d’années. Envie d’expérimenter le travail à la chaîne ou boulimie créatrice, on ne sait pas trop. Mais ce genre d’idées farfelues peut faire peur. Après tout, le tandem ne nous a pas habitués qu’à des chefs-d’œuvre. On se souvient du très inégal Sweet sixteen et de ses délires prog-rock pas franchement convaincants… Deux constantes, cependant, malgré leurs changements d’humeur et de style : des bases solides en histoire du rock, qui autorisent presque toutes les digressions, et un son qui n’appartient qu’à eux.
Bonne nouvelle, Radio video EP est un bon cru de Royal Trux, un de ces albums trop brefs qu’on écoute deux ou trois fois d’affilée pour le savourer plus longtemps. Comme Veterans, il se barre dans tous les sens, sans jamais s’égarer, et se paye même le luxe de receler un ou deux sommets de Royal Truxisme. Dont Dirty headlines fait définitivement partie. Morceau écorché vif, fondé sur des bases de gros rock des 70s désarticulé et remixé par une brochette de Gremlins sous acide, il offre aux oreilles bilingues les vers les plus poétiques de l’année : « You’re so rank, you probably try to lick your own skank » (faut-il une traduction ?) commente Neil Hagerty, inspiré ici par mesdemoiselles Céline Dion, Mariah Carey et autres divas préfabriquées…
Victory chimp : episode 3 montre la capacité de Neil et Jennifer à détourner à peu près n’importe quel genre -ici un cocktail ethnique curieux, à mi-chemin entre des tambours africains et des cordes indiennes- et à le distordre à leur sauce. Le résultat sonne comme si Tom Waits se prenait d’affection pour la world music. The inside game s’attaque à l’héritage Led Zeppelin -riffs gras, imitation quasi parfaite de Robert Plant… mais que doit-on attendre d’un type assez fasciné par les géants des seventies pour suggérer à son premier groupe (en l’occurrence Pussy Galore) de reprendre en intégralité Exile on main street ? Enfin, Royal Trux ne serait pas tout à fait ce qu’il est sans les prouesses vocales de Miss Herrema, qui chante comme si elle parlait à l’envers dans un remake de L’Exorciste, après avoir inhalé de l’hélium…