Hasard du calendrier : Sniper Elite III sort quelques temps après Wolfenstein New Order. Non pas qu’une parenté évidente se fasse entre le réalisme historique de l’un et la bourrinade dystopique frénétiquement gore du second. Quand bien même, les deux jeux semblent converger sur un point évident : leur souci maniaque du défoulement cathartique. Soit l’exubérance d’une violence implacable et décomplexée, car légitimée par les cicatrices de l’Histoire, à déchaîner contre des hordes de soldats nazis. Si Wolfenstein préfère l’odyssée punitive boostée aux fulgurances tarantiniennes, Sniper Elite III (et ses aînés avec lui) se positionne sur un créneau de simulation. Celle d’une chasse au scalp méthodique, en mode comte Tzaroff, d’un sniper/espion américain parachuté derrière les lignes ennemies pour grappiller infos technologiques top secrètes, et (surtout) réussir le plus beau carton nazi qui soit. A partir de plusieurs niveaux thématiques et riches en options tactiques, le gameplay compte moins sur l’obédience du joueur à remplir ses objectifs scénarisés que son raffinement meurtrier. La contrainte : la vulnérabilité extrême de l’avatar (quelques balles suffisent à mourir) forcé de jouer les ombres pour survivre. Le trophée ultime : une Killcam qui sublime, au ralenti, le voyage de la balle du canon jusqu’à la victime et détaille, au rayon X, les dégâts sur les organes éclatés au passage. Jouant constamment de cette sidération à se faire chirurgien de la balistique, Rebellion a réussi à donner à cette saga marginale la saveur d’une série B malicieuse, où le massacre de nazis se décline moins sur l’étêtement de cibles mouvantes qu’une approche résolument esthète, un art cinégénique et chorégraphié de tuer le Mal absolu.
Déporté sur le front d’Afrique du Nord, ce troisième épisode mise beaucoup sur son changement exotique de décor pour plaider un renouvellement sain. Les couleurs chaudes et les couchers de soleil remplacent la grisaille des bunkers européens, les shorts de l’Afrika Korps succèdent aux chemises brunes de la Wehrmacht, les décors naturels et ouverts apportent une bouffée d’air inédite (et la liberté qui va avec) à la progression linéaire d’autrefois. Si le jeu bénéficie d’une refonte next-gen appréciable, on ne saurait en dire de même de sa formule. A trop vouloir capitaliser sur son identité établie et un fun acquis d’avance (on multiplie les Killcam comme on multiplie les leurres), Rebellion en oublie son devoir de suite à tenter des innovations majeures, voire corriger ses éternels défauts (une IA ennemie toujours catastrophique). Reste une seule évolution notable, et qui permet heureusement à l’expérience de garder sa fraîcheur : la surface du terrain de jeu, considérablement étendue, dont les missions peuvent s’étaler sur plusieurs heures à force d’objectifs secondaires et d’événements imprévus. Le parc d’attraction a gagné en superficie, c’est indéniable. Mais il aurait pu changer ses rouages pour donner à son safari nazi un autre goût que celui de réchauffé.