Suede a toujours paru vaguement suspect, pas vraiment à sa place au milieu d’une scène pop anglaise tiraillée entre mulets de deuxième catégorie et étalons puissants (Blur, Oasis ou maintenant The Verve) trop bien calibrés, occupés qui plus est à s’entre-déchirer pour obtenir les faveurs de la critique et du public. Malgré un succès relatif dû à quelques hymnes dont l’aspect grandiloquent n’avait pas été masqué, bien au contraire, Brett Anderson et ses boys apparaissaient comme des types un peu en marge.
Donc, histoire d’enfoncer le clou une bonne fois pour toutes, cette double compilation (format casse gueule par excellence) arrive avec des faces B, et rien que des faces B. La face cachée de Suede s’affiche donc au grand jour, et c’est une bonne nouvelle, puisque cela nous permettra d’affirmer sans honte que ce disque ruisselle de petites perles autrement ciselées que les gros cailloux mal dégrossis (Metal Mickey, So young, New generation ou Beautiful ones) qui atterrirent ces dernières années sur nos platines. Toutes les facettes musicales de ce groupe décidément pas tout à fait comme les autres sont abordées, développées en tout franchise, et même si quelques titres sont abîmés par des guitares par trop agressives (Young men ou Every monday morning comes), l’ensemble se tient parfaitement.
He’s dead, The big time, Together, Another no one, le magnifique Duchess et bien d’autres encore rappellent à tout ceux qui voudraient voir dans Suede un pâle avatar new wave trop mâtiné d’inflexions glam rock que Brett Anderson compose des morceaux hors du temps, hors des modes et de l’establishment musical anglo-saxon, de véritables chansons qui tournent ouvertement le dos -pour mieux montrer leurs fesses- aux classificateurs maniaques.
Finalement, cette insolente liberté, ce goût pour choquer -mais jamais gratuitement- sont ce qui, plus qu’un timbre de voix, rapprochent Brett Anderson de l’attitude adoptée par Bowie dans les années 70. En ce sens, la comparaison est plus qu’élogieuse.