Un compositeur de musiques de films devient vite « celui qui a fait la musique de Y » ou pire encore, est réduit par une cruelle métonymie à « la musique de Z ». Brian Reitzell décide de mettre son nom en avant sur son premier disque solo, avec la ferme mais surprenante intention de faire de la musique de film sans film. On note la présence sur Auto Music d’intervenants illustres, tels que Kevin Shields (My Bloody Valentine) ou Roger Joseph Manning Jr. (TV Eyes avec Reitzell, mais surtout 50% du formidable The Moog Cookbook) et l’on se pâme devant le monochrome « jaune et joli » de la pochette.
Bandes originales des films de Sofia Coppola (Lost In Translation) et Gus Van Sant (Promised Land), design sonore de la série Hannibal ou du jeu vidéo Watch Dogs, Brian Reitzell touche à tout et sait donc tout faire : illustrer, mettre en musique, remplir les espaces et le frigo. Auto Music a été réalisé, selon les dires de l’auteur, en projetant des films sur les murs de son studio californien (animations d’Oskar Fischinger, bidule arty espagnol des années 70), chaque pièce le composant est associé à une clé visuelle. On se gardera bien d’évoquer la synesthésie, hype du moment. L’intention est donc de sortir de son élément (habiller musicalement des films) sans trop s’en éloigner (composer et enregistrer de la musique idoine à l’habillage de films, dans le meilleur des cas).
A défaut d’être incohérent, Auto Music pêche par sa dispersion stylistique et ne propose au final qu’une succession de titres globalement plaisants mais vite oubliés, à une fascinante exception près (Gaudi). Présenté par son auteur comme le résultat d’expérimentations sonores, on n’y trouve finalement rien de bien novateur – si ce n’est dans sa volonté de renouer avec l’aspect impersonnel des catalogues d’illustrations sonores et de jingles composés par des producteurs oubliés. Cette déception est quelque peu compensée par des ritournelles pop bien ficelées, entre shoegaze, library music et synth-pop 80’s à la californienne.
Brian Reitzell est un compositeur digne de ce nom, que l’on ne saurait accuser de plagiat, mais qui se cantonne à pasticher des sonorités familières, morceau après morceau : à l’exception du titre Gaudi, qui ne ressemble à rien de connu, Auto Music évoque pèle-mèle et dans l’ordre Boards Of Canada, Depeche Mode, Blonde Redhead et Explosions In The Sky (l’E.Bow caractéristique). Avec une pointe de mauvaise foi, on pourrait inclure Auto Music 1 à la fin de The In Sound From Way Out des Beastie Boys et comparer l’intro du final Auto Music 2 à une reprise électro-pop du I Fought The Law de The Clash . Reste l’énigme Oskar, hommage à Fischinger, qui évoque davantage le thème d’un potentiel Flic de Beverly Hills IV. Quand l’electro-pop FM de L.A. pour bolide décapotable rencontre l’avant-garde européenne des années 30 et la noisy-pop des 90’s, la collision est comme qui dirait incongrue.