Ca pourrait mal partir. Lowell est en effet aussi (d’abord plutôt) le nom de la ville natale de Jack Kerouac : petit détail non négligeable, que le chanteur ne cherche au demeurant pour rien au monde à mettre en avant. Pourtant, ce détail peut être significatif à deux titres. Soit on a affaire ici à une bande de snobs binoclards d’on ne sait quel underground « néo punk / post rock » français, aux idées aussi creuses qu’un tube de variété (c’est Boris Vian qui le disait paraît-il). Soit on a bien devant nous un groupe hardcore, honnête et malin, qui, entre poses de catcheurs et fond de jardin beat, a toujours su quoi cultiver. Pour les avoir vus sur scène, on oublie vite le petit détail, devenu soudainement horriblement mesquin, et sans l’avoir vraiment cherché, on se prend une grosse claque musicale ! Donc, Lowell fait du boucan. Il n’empêche que vous ne l’avez sûrement pas encore entendu. Et pour cause, Lowell est un jeune trio parisien que l’on soupçonnera aisément d’être assez flemmard sur la com’. Pourtant, que manquez-vous à ne pas voir s’exprimer sur scène les trois lascars (Stéphane Dorémus aux « fines cordes », Pascal Lelong aux « grosses cordes » et Hrvoje Goluza (sic) aux « peaux basses ») !
Heureusement, le trio a délivré la version formatée (joliment packagée d’ailleurs) de leur petit brûlot sur la structure Beau Caillou : Boyracer in layers. Un manifeste exigeant en six chapitres aussi tendres qu’un abrasif, d’une rigueur constante. Un manifeste dans lequel le chanteur/guitariste porte à bout de bras des textes clairsemés, débités d’une voix planquée derrière une musique manifestement plus bavarde (quand il ne se fait pas tout simplement doubler par la voix d’un prêcheur piquée sur une radio). Un manifeste qui, sans problème, laissera, les bras ballants, quelques besogneux du manche du dimanche, tant le groupe tient indéfectiblement son cap. A ce titre, les compères n’ont pas à rougir de honte devant leurs références affichées (Fugazi, Purr, Prohibition). Six morceaux, c’est donc ce qu’il faut au groupe pour vous inoculer savamment une musique qui ne trahit ses influences (on pense au son crade et approximatif du premier Ulan Bator, parfois au Washer de Slint) que pour mieux construire sa propre identité musicale, entre schémas tordus en cascades et motifs fluides et métronomiques (comme l’intro de Connecting Julie). Soufflant le chaud et le froid, chaque morceau ne semble être qu’une expression différente du leitmotiv « tension ». Avec ou sans voix, le bulldozer diablement bien rodé progresse par saccades (les morceaux tel Restore alien, alternant les coups de froid et les montées d’adrénaline) mais implacablement. Si A-Team séduit par sa structure (le morceau s’ouvre par une ambiance très « tortoisienne », s’engage ensuite dans une course-poursuite entre deux phrases, deux tempos, puis retombe lentement à plat), Avec une pince entête dès la première écoute, avec cette voix nonchalante qui file discrètement entre deux murs de cordes acérées et distordues. Mais c’est surtout Fresh & Doe qui vous assomme par la rythmique infaillible et la puissance brutale des « cordes » bandées comme un arc, prêtes à faire mouche, hurlant, vomissant un magma de larsen. Alors ça finit pas si mal. Et à n’en pas douter, ça fera même du bien à vos disques de Low de bouger un peu en la compagnie de Lowell sur les étagères de votre discothèque.