One Piece est l’arbre qui cache le désert que traverse le shônen aujourd’hui. Depuis le début du 21e siècle, aucune nouvelle licence n’est venu dynamiser le manga pour adolescents (en dehors de Fairy Tail, fortement inspiré à ses débuts par l’œuvre d’Oda). Débuté il y a vingt mois au Japon, Seven Deadly Sins pourrait bien être le renouveau du genre.
Lancé dans le Weekly Shônen Magazine de Kodansha, le doyen des magazines shônen, Seven Deadly Sins va d’emblée à contre-sens de la production habituelle. Plutôt que suivre le parcours initiatique d’un héros, le mangaka Nakaba Suzuki introduit des personnages au niveau maximal de leur pouvoir et mise tout sur la révélation progressive de leur passé, inextricablement lié à l’Histoire de leur pays. Accusés à tort de régicide, les Seven Deadly Sins auraient été tués juste après leur crime par l’intervention des Chevaliers Sacrés, dix ans auparavant. Ces derniers, réels comploteurs, règnent depuis en tyrans sur Britania et traquent les Deadly Sins, les seuls susceptibles de les démasquer si jamais ils se réunissent…
Ne garder de la fantasy que les codes actuellement à la mode (on est loin de la complexité d’un Trône de fer mais l’idée principale est là) reflète la démarche judicieuse de Nakaba Suzuki, qu’il applique consciencieusement tout au long des pages. Dès les premiers chapitres, les batailles épiques à la Dragon Ball ou Saint Seiya détruisent des pans entiers de murs et de falaises, mais nous épargnent les tirades lancinantes d’un héros à bout de forces après une énième attaque à superlatifs.
Totalement décomplexé, Seven Deadly Sins se prête volontiers au jeu des références qu’il n’hésite pas à cumuler. Le dessin rappelle à la fois Toriyama et Urasawa, les héros sont sept, chacun possédant les attributs d’un péché capital et d’un animal mythologique… Du déjà-vu parfaitement assumé sur un rythme frénétique et avec une bonne humeur constante. En mêlant avec humilité des ingrédients déjà connus mais avec un tour de main différent, Nakaba Suzuki a conquis un public en quête d’une nouvelle oasis dans le désert du shônen : le manga a déjà écoulé trois millions d’exemplaires au Japon et, à peine à son huitième tome, sera sous peu adapté en série animée.
Il faut dire que le mangaka, du haut de ses 37 ans, est déjà une pointure du milieu, qui a signé dans les quatre plus gros hebdomadaires shônen (Jump, Champion, Magazine, Sunday) et connaît sur le bout des doigts les exigences de son lectorat. Un exploit d’autant plus remarquable que Suzuki travaille seul, occasionnellement assisté par son épouse. Au bout de trois tomes Seven Deadly Sins s’est déjà ouvert à de nombreux arcs scénaristiques futurs et on attend avec impatience le twist qui fera basculer la série à succès du moment dans un genre à la peine, le shônen, dont elle pourrait devenir un véritable classique.