Pour les 10 ans de Hyperdub, Steve Goodman aka Kode9, le patron du label londonien à rabattu les 4 coins de son catalogue dans une célébration éclectique et longue de 36 morceaux. Centré d’après lui autour du « dancefloor », cette compilation est la première d’une série qui sondera les couches et les divisions de ce label emblématique de la bass music anglaise.
Lancé en 2000 sous la forme d’un webzine, Hyperdub est alors une occasion pour le jeune Goodman de mettre en valeur le dubstep naissant qui commence à se répandre à la surface de Londres. Epaulé par des critiques comme Simon Reynolds et Mark Fisher, cet étudiant en philosophie fait de son site une référence pour tous ceux qui suivent à la loupe les évolutions de la scène.
Lassé du job après avoir interviewé tous les producteurs qui le fascinent, il transforme le webzine en label sous l’influence de Kevin Martin (The Bug) à qui il passe son premier morceau : Sine Of The Dub, qui deviendra la première sortie Hyperdub.
14 ans plus tard, Hyperdub s’est nettement détaché de ses attaches dubstep, ramenant dans son sillage « excentriques et outsiders » comme le confiait récemment Kode9 à Resident Advisor. Dans ses cercles élargies, du UK Funky (Cooly G), du grime (Terror Danjah, Flowdan) du footwork (le défunt DJ Rashad) et même un album d’electro pop, fruit de la collaboration entre la chanteuse Jessy Lanza et la moitié des Junior Boys Jeremy Greenspan.
Compilation exhaustive ou figures tutélaires (Mala, Terror Danjah) et dernière signature made in Detroit (Kyle Hall) se tirent la bourre, Hyperdub 10-1 est une porte d’entrée déroutante à l’intérieur de cet univers fragmenté ou les points communs se sont fait plus rare au fils du temps, cultivant un même amour de la basse et une vision singulière de la piste de dance qui nous laisse toujours aussi hagard de ce côté de la Manche. Compilant tous les styles chers à Steve Goodman, Hyperdub 10-1 agit aussi comme un repère temporel, qui prend des accents touchants et où le footwork se pare d’une dimension tragique, la faute au Let It Go de Rashad placé en toute fin de compil.
Entre la nostalgie de Mala et les 160 bpm de Dj Rashad, Hyperdub affiche sa volonté forgée année après année de construire un label d’iconoclaste tournée autour de l’amour de la basse, mais qui s’est extirpé des fondements de la scène qui l’a vu naître pour en entendre autre chose, entre la syncope transatlantique (le footwork) l’épure (The Spaceape) et la violence (le grime). Une musique de rame de métro, parfaitement adapté à tous les niveaux de gris.
Porte d’entrée difficile dans un label jalonné de rebondissements, Hyperdub 10-1 est avant tout un témoignage passionnant, qui porte en lui les racines d’une scène dont il s’est affranchi au cours d’un parcours où l’exemplarité et la singularité reste les valeurs immuables d’un label devenu incontournable.