Il faut parfois, pas si souvent mais quand même de temps en temps, se méfier des apparences. Sorte de puzzle-platformer 2D mutant qui ne recule devant aucun clin d’œil pour épicer son récit farfelu, Scram Kitty and his Buddy on Rails est un jeu qui ne vous aime pas. Pas impossible, d’ailleurs, qu’il vous veuille carrément du mal, qu’il désire profondément vous faire souffrir. Et puis pester, gémir, sangloter. Et vous demander pourquoi diable vous passez votre soirée sur ses niveaux pervers alors qu’au fond, un autre jeu, un film, un livre, ce serait mieux pour vous, non ? Peut-être bien, mais pas sûr, vraiment pas sûr, en fait. Alors vous insistez, vous vous acharnez à maîtriser cet étrange système de contrôle afin de rejoindre dans les temps (limités, dans ce cas précis) le chat qui vient de s’enfuir à l’autre bout de l’écran.
Car le but, dans Scram Kitty…, est de retrouver la multitude de chats que viennent d’enlever des souris maléfiques – oui, récit farfelu, voilà. Pour ce faire, vous glissez le long de rails auxquels vous êtes retenus par la gravité. Tout l’enjeu est alors de maîtriser ces déplacements inhabituels, ainsi que les sauts (et doubles sauts) nécessaires pour rejoindre un autre rail et poursuivre votre exploration. Car les félins sont souvent bien cachés : si l’un d’entre eux vous attend sagement à la sortie, il en existe un autre qui ne surgira que quand vous aurez ramassé les 100 pièces disséminées dans le niveau, un troisième qui apparaîtra quand vous aurez triomphé de cette musculeuse souris armée jusqu’aux dents qui se jette soudain sur vous… Car Scram Kitty… est aussi un shooter, et plutôt cruel dans son genre. Evitez soigneusement les projectiles adverses d’un glissement habile le long du rail suivi d’un saut millimétré avant de mitrailler à votre tour l’adversaire. Ne vous précipitez pas, surtout pas, ça ne pourrait que mal tourner.
Quelque part entre les shmups sensuels et cérébraux de Treasure (pensez Bangai-O) et les run and gun « avec un twist » de WayForward (Mighty Switch Force), le jeu du studio gallois Dakko Dakko a l’élégance de ne pas vous obliger à retrouver les quatre chats d’un niveau lors du même passage. Mais c’est sa seule touche de générosité car la difficulté monte très vite, bien avant que l’on soit vraiment au point. Voilà la véritable limite de Scram Kitty…, celle qui fait que triompher d’un niveau provoque souvent moins un sentiment d’accomplissement que de soulagement – ouf, on en a fini avec celui-là, plus besoin d’y retourner, de redescendre à la mine. Est-ce un problème de réglage ? Ou le fruit d’une discutable doxa hardcore du style « surtout ne pas se montrer accueillant » ? Entre le « sévère mais juste » et la brutalité du jeu-bully, du tyran de cour d’école, la frontière est mince et Scram Kitty… la franchit parfois. C’est dommage parce qu’avec sa manière radicalement neuve d’assembler des éléments que l’on pourrait croire usés, il retrouve avec style quelque chose de l’esprit arcade des années 1980. Une fraîcheur créative. Une audace conceptuelle. Un élan quasi juvénile dans sa mise en scène. Dommage, vraiment, que Scram Kitty…, cet ingrat, ne nous aime pas. On ne demandait qu’à le serrer dans nos bras.