Voilà un disque dont le seul intitulé devrait suffire. La rencontre entre les énervés indés new-yorkais et le pape de la scène d’Olympia, patron de K Records et fondateur d’excellents combos (Beat Happening, Halo Benders et le plus récent Dub Narcotic) a de quoi faire saliver. Difficile de ne pas aimer les uns quand on aime les autres. De ne pas voir dans les démarches de Jon Spencer and co et de Calvin Johnson, monsieur K, des similitudes intriguantes : désir de rester indépendants, hors des courants et des modes, de créer un son et un univers musical (influents), personnalités à la Jekyll et Hyde. On savait déjà que ce grand timide de Jon S. se mue en bête enragée lorsqu’on le plante devant un micro. On sait moins que Calvin J., décrit partout comme paisible et discret, prend des airs allumés dans les mêmes circonstances. Qui ne l’a jamais vu chanter en s’accompagnant d’un hochet de plastique -le seul instrument dont il pouvait jouer en portant des moufles- a raté un grand moment de folie furieuse.
Tout a commencé entre ces protagonistes de rêve, un beau jour, lorsque Jon Spencer s’est dit que ce serait chouette d’embaucher Calvin pour qu’il trime sur Experimental remixes, album revisitant les titres de Orange (Beck et U.N.K.L.E étaient de la partie). L’histoire se poursuit en 1997 lors d’une séance qu’on retrouve sur Sideways soul et plus tard sur Acme où figure un titre-hommage à monsieur K, le sobrement nommé Calvin.
Malheureusement, les deux forces conjuguées ne donnent pas nécessairement un résultat en forme de courbe exponentielle. Sans pour autant s’annuler, elles s’étouffent parfois un brin. Le Blues Explosion domine -il faut dire que le son du trio s’identifie même d’un tympan distrait-, pervertissant l’idée d’association. Ou les morceaux s’enlisent, jams interminables, truffées de plaisanteries de potaches (Sideways soul).
L’ensemble n’est donc pas un chef-d’œuvre à acheter en priorité si l’on n’a jamais écouté les disques des deux groupes. Les connaisseurs, en revanche, se lécheront les babines à l’affût des fantastiques improvisations de Spencer (partout), de la voix atone et rauque de Johnson, des sonorités mi-blues, mi-rockab’ des guitares… Ils se demanderont à juste titre d’où est sortie cette obsession pour la banane (Banaba meltdown, banana version, etc.), regretteront de ne pas avoir assisté à cette rencontre au sommet et finiront par préférer le côté improvisé et mal ficelé de cet album à une version plus raffinée, moins spontanée qui aurait nui à ce chantier musical.