Cet album a tout pour éveiller la méfiance : une jeune et jolie franco-américaine, formée au Berkeley College Of Music de Boston mais déclarant être très influencée par la jungle et la pop-rock, sort son premier album de compositions personnelles, interprétées avec un timbre à la Axelle Red sur des rythmes « modernes ». Un CD-Rom de promo est massivement distribué, on craint le pire. Mais surprise, alors que c’est toujours avec un petit sentiment de culpabilité et de régression que l’on apprécie les Spice Girls (ce qui contribue au plaisir), pas besoin de snobisme inversé pour s’enthousiasmer devant cet album de Silja sorti au début de l’été. Une musique certes légère, et qui en apparence correspond à ce qui se fait de plus banal (une chanteuse et une bande de musicos branchés bidouille), mais qui accomplit une très harmonieuse fusion entre chanson et electronica. On rassurera les puristes, on est loin des productions Mille Plateaux, mais on n’est pas non plus dans l’Eurodance. Imaginez un croisement entre Vanessa Paradis et Björk et vous ne serez pas loin !
Bizarrement, le label Warp vient souvent à l’esprit : pendant presque 30 secondes, avant que la voix ne se pose sur le premier morceau, on pourrait croire à une intro d’Aphex Twin. Plus loin, sur Contradictions, c’est à µ-Ziq que l’on pense d’abord, avant que le morceau n’évolue en ballade faussement mielleuse, pour finalement alterner entre un refrain assez vulgaire, avec chœurs en anglais, et des couplets où superpositions de voix et gimmicks de guitare réintroduisant un peu de finesse. Délicieusement bâtard, ce morceau reflète bien l’album : « Dans tout ce qu’elle aime, y’a des choses qui s’opposent « .
La plupart des tentatives de mariage entre chanson et drum’n’bass sonnent comme de paresseux remixes où une rythmique est plaquée derrière une chanteuse, chacun restant sagement sur sa couche sonore. Mais on est ici, toutes proportions gardées, plus proche des essais d’un Dalcan ou d’un Bashung, qui développent leurs musiques autour de la chanson, que du simple collage. Les basses de Tout va bien et Kamikaze rappellent respectivement Roni Size et Red Snapper, tandis que le sautillant J’arrête de fumer, tube instantané, pourrait être du No Doubt. Enfin, un remix dub réussi de J’efface et j’oublie, morceau langoureux où Silja montre qu’elle a plus d’une corde à sa voix, confirme la diversité des influences.
Les arrangements sont riches, on découvre de nouvelles finesses à chaque écoute, aussi regrette-t-on juste le gnan-gnan C’est mon homme, le balourd Ma démence et les deux morceaux chantés en anglais, moins ludiques. Mais il reste trente minutes de chansons inventives et rafraîchissantes, aussi modernes qu’accessibles, qu’on peut aussi bien écouter pour la musique que chantonner sous la douche. Et on ne s’en privera pas.