Un nouveau venu dans le monde du trip hop. Un de plus, diront certains. Certes, mais pas n’importe qui. En voilà un qui commence son premier album par des libations destinées aux membres de sa famille et qui le termine avec les prières de membres d’ethnies minoritaires aux États-Unis (très proche d’Adult Fantasy Post Apocalypse Arlestra). Un mystique alors ? Pas vraiment. Plus que ça. Plutôt un qui s’en remet aux calculs des machines sans pour autant leur livrer toute la substance de son désir musical. Un inspiré qu’on pourrait aisément se rapprocher d’un Tricky dont les tourments se seraient un tantinet calmés. Calmés parce qu’émis par un cerveau sans doute moins torturé que celui du sus-nommé.
Mike Ladd est en fait un jeune prof d’anglais de l’université de Boston âgé de vingt-six ans. Moins torturé, c’est du Easy Listening comme l’indique le titre du disque ? Oui, mais pas que. Ce serait une sorte de hip hop progressif, mâtiné de soul avec une conscience sociale et politique par dessus tout cela (harangues sur I’m Building a Bodacious Bodega for the Race War dont : « Snoop Doggy Dogg’s got a job/Now he’s Snap Doggy Do/They bronzed his dick on Wall Street to symbolize fucking you ».). « Quelquefois, les médias décident de faire un gros plan sur la communauté noire américaine, mais ils le font comme si ils produisaient un cartoon, ce que fut l’affaire O.J. Simpson à travers l’image qu’en a donné la presse américaine ».
Mais revenons à la description de la musique. La volonté d’unité de l’album fait que l’on retrouve toujours la même trame musicale (pas désagréable pour autant). Sur une couche rythmique d’un calme olympien (sauf sur le très entraînant titre qui donne son nom à l’album), se marient presque sur chaque titre quelques sons de synthé façon Archieve. Mais nous avons en plus ici des tournoiements de basses joués en acoustique (Maniac) puis samplés pour en extraire des boucles rehaussées de quelques cordes en montée chromatique (Back Stroke) ou de sons sortis de boites à effets (écho et gate sur Blade Runner, ostinato rythmique sur Off the Coast of Okrakoke). Ce serait un disque apaisé alors ? Oui, et à vivement conseiller à tous ceux qui veulent s’ouvrir les oreilles à une autre vision trip hop que celle de Bristol.