Des moments de pure intensité. Des blocs sonores qui se construisent au fur et à mesure de leur création en temps réel par la guitare in process de Pinhas. Une voix métallisée -flanger oblige- qui s’imbrique, forme de nouvelles résonances musicales. Un triomphe de l’organique sur le tout machinique, un affect intense et ultime. La musique de Schizotrope (lisez les sous-titres : « Richard Pinhas and Maurice Dantec’s Schizospheric Experience ») est tout ça. Au-delà des musiques électroniques les plus intelligentes, balayant l’arythmie aride de leurs collègues les plus pointus, le schizo duo Pinhas-Dantec refonde une certaine idée de l’electronica, dit non au breakbeat et à la noise et trace leur voie avec confiance.
Résultat de plus d’une année de collaboration intense entre un musicien culte et un romancier adulé, Schizotrope est la symbiose la plus parfaite qu’on puisse imaginer au niveau cyberculturel. Une musique électronique atemporelle délivrée avec calme et violence qui sous-tend les textes philosophiques de Deleuze ou de Dantec lui-même pour un résultat saisissant. On s’en serait douté, ce n’est pas un line-up pour remplir le stade de France, mais au vu de l’extrême non-grégarité de cette musique, on se plaira à se souvenir que ces tournées américaines, canadiennes et françaises ont reçu un accueil du public beaucoup plus enthousiaste qu’on aurait pu l’imaginer.
Ecumant la côte Est des USA, Pinhas et Dantec ont ramené des instants uniques et magiques de leurs longs sets de déferlement musical et philosophique de plus d’une heure et demie, le tout servi sur le fond post-nucléaire d’un mur d’images où défilait un film hallucinogène créé pour l’occasion. A Paris, salle comble (500 personnes), puis Lyon, Grenoble, Bordeaux et la liste continue. Partout, le duo a effectué sa musique avec brillance et unicité, partout elle a convaincu. Compacté sur l’espace-disque, le Schizotrope show garde toute sa puissance, sa froideur terminale et son indubitable personnalité. Une formation légère au possible (guitare / électronique + voix) pour un mur du son mouvant, changeant et hypnotique. L’ovni schizoïdo-musical est sorti en version personnelle et portable. Impossible de laisser passer ça.