Avec Sirens, Denis Leary poursuit l’exploitation de la niche télévisuelle qu’il s’est crée consistant à traiter du quotidien des fonctionnaires en uniformes à grand renfort d’humour trash, méchant et conscient ne faisant pas de prisonniers, fidèle à ce qu’il pouvait proposer en stand up dans les années 90. Après The Job, une sorte de Brooklyn Nine Nine avant l’heure à la sauce Leary, et Rescue Me, sur la constante lutte contre ses démons d’un pompier alcoolique après le 11 septembre, il s’attaque cette fois aux ambulanciers avec ce remake de la série britannique éponyme. Entre l’humour graveleux élevé au rang d’art, les considérations sur le métier et la décharge d’adrénaline qui va avec et les effets de tout cela sur la psyché des personnages, la recette est maîtrisée par l’auteur-producteur mais jamais figée et toujours sujette aux ajustements, comme en témoigne ce nouveau projet.
Sirens s’attache à nous faire suivre le quotidien de trois ambulanciers de la ville de Chicago. Johnny est le branleur grande gueule typique qui a du mal à s’engager dans quoique ce soit et dont l’une des plus grandes peurs est que Ben Affleck ne fasse pas un bon Batman. Son meilleur ami Hank est Noir, ouvertement gay et sa vision du monde se base généralement là-dessus tandis que Brian est le petit nouveau, soit notre référent en tant que spectateurs. Jusqu’ici, rien de bien original mais le but de la série n’est pas d’être le nouvel Urgences ou NY 911 mais plutôt le portrait d’hommes et de femmes qui passent leur vie à sauver celle des autres… En cela, il y a beaucoup de Rescue Me dans Sirens et un storytelling (le parcours des personnages, moins sombre, reste celui d’une rédemption et d’une ouverture au monde) et des situations similaires (les sempiternels échanges de vannes entre flics et pompiers auxquels vient s’ajouter le grain de sel des ambulanciers, etc.) mais à ce niveau de qualité et des fraîcheur : difficile de faire la fine bouche.
Basée sur des anecdotes que l’on a aucun mal à croire (divers objets coincés dans des cavités anales, un homme victime d’une crise cardiaque a juste le temps de demander aux ambulanciers d’effacer l’historique de son ordinateur, etc.), Sirens se distingue par son humour omniprésent. C’est bien simple, les épisodes sont un festival de comique de ces situations sentant le vécu quand elles ne sont pas totalement déjantées (un mariage est célébré dans une église organisant des combats de coqs et arborant un portrait de Kevin Costner…) et de vannes alignant aussi bien les hommes que les femmes ou la pop culture et tout un tas de sujets divers et variés. Ici, ce sont les ambulanciers qui tirent sur les ambulances. Au bazooka de préférence.
Mais là où Sirens tire son épingle du jeu, c’est dans son traitement, très réaliste, juste et fin, de thématiques (l’asexualité entre autres) et de situations (la célébration d’un mariage gay, la course entre ambulanciers pour répondre aux appels d’une vieille dame qui leur prépare toujours de délicieux cookies, etc.) qui auraient rapidement pu sombrer dans la caricature entre d’autres mains… Aussi la série sait balader ses spectateurs pour les cueillir au détour d’une scène ou d’un plan à l’émotion palpable. Ce n’est pas du niveau de Rescue Me (aussi bien en termes de qualité, que d’audace ou de cruauté émotionnelle) mais c’est une belle réussite que de parvenir à insuffler cela dans une comédie de vingt minutes.
En cela, Sirens est une bouffée d’air frais dans un paysage sériel n’osant encore que trop rarement la dramédie ou tout simplement la transversalité des genres en général. S’il n’est malheureusement pas devant l’objectif de Sirens (sans pour autant avoir enterré définitivement l’idée…), nous retrouvons la gouaille et le style de Denis Leary aussi bien à l’écriture qu’à la production du show. Autant dire que les habitués du docteur Leary (comme il a un doctorat, il aime à se faire appeler docteur) ne seront pas dépaysés et pourraient en redemander après ces dix épisodes, hélas bien trop courts…