Se prendre, en pleine face et en 3D, le chatoyant logo des studios Marvel qui ouvre chacun de leurs films, c’est toujours passer une sorte de sas magique. D’un côté, les fantasmes accumulés autour d’un univers connu. De l’autre, le lot de surprises concoctées par le film, qui attend toujours son public au coin du bois pour l’assommer à grands renforts de trouvailles plus fortes, plus cool, plus folles. Mais avec le Spidey version Mark Webb, difficile de fantasmer bien longtemps : on ne sait plus très bien où en est Peter Parker et ce qu’on est censé attendre de lui, alors que Sam Raimi a déjà bouclé un beau portrait du justicier et du peuple new-yorkais rangé à ses côtés. Ses tracas de post-ado et son complexe du homard commencent sérieusement à lasser, d’autant que The Amazing Spider-Man reprenait à la lettre les enjeux posés par Raimi (dont la question vaguement politique de la légitimité de l’araignée, bien mieux posée par Spider-Man 2).
Faisons semblant, donc, de ne pas voir que Le Destin d’un héros rabâche à son tour les idées de la première série. Concentrons-nous sur la principale innovation de Webb : un sentimentalisme de brocante, axé sur la love story poussive de Parker et de sa blondinette (Emma Stone), dulcinée d’autant plus falote qu’elle était acquise au héros dès le premier regard (cf. le segment teen movie du premier film, où l’aura maladive de Tobey Maguire cédait la place au glamour de skater d’Andrew Garfield). La belle projette ici de partir étudier en Angleterre, ce qui perturbe notre vengeur élastique, partagé entre ses soucis de bureau (de nouveaux supervilains naissent dans la ville) et ses tracas persos. Comme enjeu, on n’aurait pas pu trouver plus tarte : avec cette romance contrariée, le film se rêve en mélo épique et tire de son chapeau des scènes de déchirement amidonnées (la chute dans le vide des deux amants vers la fin : on n’en dit pas plus, sinon que c’est grotesque), atteignant ici et là, au mieux, un suspense amoureux digne d’Hartley, coeurs à vif. La faute aux proprets Garfield et Stone, sans doute, mais aussi à une vraie avarie dans l’écriture et l’effort de réinvention : copie brouillonne d’un étincelant modèle, Le Destin d’un héros n’ose rien subvertir, rien inventer, et se contente donc de répandre quelques miettes de sensibilité et de noirceur emo en guise de signes distinctifs.
Le script se débride tout de même lorsque la tête à claques de Garfield rentre au vestiaire : là, selon l’adage hitchcockien (« plus le méchant est réussi… »), les bad guys redonnent un peu de superbe à l’édifice. Passe qu’Electro reste de bout en bout un personnage bouffon : la mutation de Jamie Foxx en schtroumpf incandescent emmène le film sur un terrain Z relativement décomplexé, où les bagarres contre l’homme-arachnide ne seront finalement qu’accessoires. Seuls compteront les gags burlesques et le magma multicolore né des batailles entre les deux ennemis, évoquant une sorte de guéguerre livrée dans un sapin de Noël géant (scintillements, clignotis, éclats de néons : c’est assez beau, surtout au-dessus de Times Square). Dommage qu’une fois de plus, le bât blesse justement en termes d’action. Gambadant entre les gratte-ciel comme un cabri voltigeur, Spider-Man ne semble jamais risquer de rater son coup et de s’écraser au sol, soutenu dans les airs par une sorte de grâce mystérieuse.Vu le niveau de ses vannes balancées à tour de bras, on préférerait qu’elle le lâche un peu.