Et si le nouveau high concept consistait à prendre une poignée de sujets forts, les passer à la moulinette J.J. Abrams et en faire un drôle de milkshake pour accoucher d’un high concept 2.0 ? C’est la question que l’on est amené à se poser devant les premiers épisodes de Believe, nouvelle série ultra-markétée des producteurs-réalisateurs visionnaires que sont Alfonso Cuaron (Gravity) et J.J. Abrams (deux ou trois séries insipides par an, un blockbuster du même acabit tous les deux ans).
Au jeu de qui « s’inspire de » quoi, le pitch de Believe se pose là. Bo est une jeune fille très spéciale qu’un groupe de gentils (leur leader les définit ainsi parce qu’ils n’utilisent pas de pistolets) et un groupe de méchants (menés par Kyle MacLachlan et une armée de mercenaires interchangeables) s’arrachent. Pour la protéger, les gentils font évader un homme condamné à mort (et à tort), guidé par un papillon bleu lui soufflant apparemment ses décisions, en éteignant les lumières de la prison et lancent ce drôle de duo dans une aventure hors du commun qu’on lui décrit d’avance comme les plus belles années (saisons?) de sa vie.
On reconnaît ici les grandes lignes du Fugitif (et de Prison Break pour le sens de l’évasion ubuesque) mais aussi du Caméléon avec ces méchants mystérieux et prêts à tout pour mettre la main sur ce qui leur a échappé. Sauf qu’ici le twist consiste à faire de notre caméléon une cousine américaine d’Akira puisqu’elle est dotée de pouvoirs télékinésiques dépassant l’entendement. Alors que les autres gosses du centre où elle se trouvait jouent aux Lego sans les mains, notre jeune amie peut lire dans les pensées des gens, débloquer à distance les freins à main de véhicules à l’arrêt et même pousser des pigeons à attaquer une tueuse anorexique. On comprend aisément que la CIA soit intéressée. Le tout fleure bon les glorieuses nineties jusqu’au héros malgré lui se retrouvant embringué dans cette aventure. Les camps sont bien établis (gentils, méchants, méchants malgré eux qui deviendront gentils), la formule est vite trouvée puisque chaque épisode consiste à atteindre une ville des USA, y trouver une planque et aider quelqu’un tout en échappant aux méchants.
Dans cet amas de plot holes et d’incohérences surnagent des touches d’émotion en carton distillée par Alfonso Cuaron (auteur-réalisateur du pilote) qui nous a déjà habitué à cela dans Gravity et son histoire de petite fille morte en jouant à chat entre deux plans-séquences impossibles. Surnage aussi de façon éhontée le sens du storytelling nébuleux, voire inexistant, de J.J. Abrams (ici producteur exécutif et donc grand manitou très éloigné) consistant à ne griller aucune de ses maigres cartouches tout en nous exhortant à CROIRE comme le répètent à l’envie les personnages et le titre de la série. Mais croire à quoi au fait ? Nul ne le sait, peut-être même pas J.J. « oui, oui, on a déjà prévu toute la storyline de Lost » Abrams…
Malgré (ou grâce à…) ce fumet de grande, et sans doute hilarante, arnaque, le résultat s’avère hyper efficace, rondement mené (la mise en scène énergique insufflée par Cuaron n’y est pas étrangère…) et in fine aussi réjouissant que du Prison Break vieilli en fût. Si Believe en est là dès ses premiers épisodes, jusqu’où la série ira-telle se placer sur l’échelle Forrest Gump du plaisir coupable ?