Difficile de rester insensible à l’œuvre de Man Ray (Emmanuel Radnitzky de son vrai nom). Pour s’en convaincre, il faudra visionner ce CD-Rom réalisé à partir de la photothèque de Telimage : plus de 8 000 reproductions archivées et référencées depuis 10 ans. Telimage, justement, qui récidive. En 1994, la société éditait Man Ray Fautographe. Seulement 600 œuvres hélas : une version light, décatie peut-être, face à cette nouvelle production au contenu foisonnant (1200 œuvres en images fixes, 25 objets visionnables sous tous les angles en QuickTime VR, 35 mn d’extraits de films et essais cinématographiques, 1h30 d’interviews, des lectures d’écrits et 1h de musique originale).
L’artiste touche à tout, au carrefour des arts modernes et contemporains, expose lui-même -c’est lui qui commente ou c’est lui qu’on cite- ses travaux. Man Ray photographe d’abord : l’homme n’y est probablement pas pour rien dans le fait que la photographie ait acquis ses lettres de noblesse au XXe siècle. Un art plastique majeur au sein duquel Man Ray accentue plus encore la notion de mise en décalage de la réalité. Dans les années vingt, il photographie à sa façon le Tout-Paris, là où s’est principalement déroulée sa brillante carrière. Les corps également, comme celui d’Alice Prin, dit Kiki de Montparnasse. Le modèle parfait selon l’artiste, ni trop décharné, ni trop en graisse, avec bien ce qu’il faut tout de même de poitrine, mais surtout, de bassin (les « nus »). Mais Man Ray exprime tout autant son talent et ses influences dadaïstes -inculquées notamment par son ami Duchamps, qu’il rencontra la première fois dans le New Jersey ; par la suite, ils ne se sont quasiment plus quittés : ses « muses », ses « portraits » et « auto-portraits » composent les thèmes du CD-Rom en plus des « compositions », des « paysages » et des « peintures ». Le « Cinéma » n’est pas en reste : comme dans ses peintures, c’est le surréalisme qui marque ses courts métrages (L’Etoile de mer, sur un poème de Desnos).
En plus des thèmes, l’utilisateur peut accéder directement à la « galerie », à la « biographie » de l’artiste, à ses « techniques » phares dont les fameuses rayographies -des silhouettes d’objets- qui comptent parmi les premières photographies « abstraites ». Ainsi que l’index des œuvres qui composent cette prestigieuse collection. Si la présentation et la navigation ne brillent pas ici par leur originalité, il y a indéniablement eu une volonté chez les auteurs de varier les plaisirs dans la forme. Pas sûr toutefois que le résultat soit à la hauteur des ambitions : il faudra un certain temps d’adaptation pour en maîtriser toutes les subtilités. Un peu confus tout de même. Rassurez-vous, pour peu que vous soyez réceptif à l’œuvre de Man Ray, l’émotion passe…