Vous en avez rêvé, Will Wright, géniteur de l’illustre Sim city, l’a fait ! De quoi ? Un simulateur de vie humaine, mais oui. On n’avait pas connu un aussi réjouissant projet depuis… Little computer people sur Commodore 64. Votre mission : satisfaire nos amis les Sims, ces êtres dénués de tout esprit d’initiative. En tout cas de celui de bâtir une maison (à moins d’entamer le soft par le didacticiel, mais c’est dommage que de faire fi de l’aménagement du territoire, puisque les Sims sont dans ce cas de figure déjà logés). Tout de suite, là, comme ça, l’envie de construire un palace vous démange. 500 m2, jardin, piscine, étage, au diable l’avarice ! Sauf que le palace sans toit n’est pas un palace et que votre compte est déjà à sec. Grossière erreur donc. Avant de profiter d’un habitat respectable et vivable, il vous faudra plusieurs fois repartir de zéro. Concentrons-nous sur le minimum vital : vos Sims sont d’abord sans emploi et le pécule de départ est assez dérisoire finalement. Un salon (coin cuisine compris), une salle de bains, une chambre. On édifie ainsi sa villa pan de mur par pan de mur le plus simplement du monde (l’interface de jeu est irréprochable). A ce stade, c’est plutôt agréable et l’on prend plaisir à poser les fenêtres, les portes, à tapisser les pièces, à choisir la moquette. Pour le bonheur de nos Sims, on fait les choses bien. Notez que c’est en partie de l’agencement des pièces et des meubles que dépendra leur bonheur et les possibilités d’évolution. Evitez par exemple l’option studio et préférez dédier une pièce à la chambrée : quand l’un des Sims regarde la TV ou écoute la chaîne, l’autre doit pouvoir roupiller peinard.
La phase « Ikea » nous y voilà et le jeu ne manque pas d’alléchants produits dans son catalogue : « Dis chérie, que dirais-tu de ce ravissant sofa rayé de Zecutime pour meubler notre doux salon ? » Poste radio, TV, micro (connexion au réseau comprise et gratuite !), chaîne hi-fi ; micro-ondes, frigo, gazinière ; canapé, banc, chaise, bibliothèque (c’est notamment grâce aux livres qu’on leur fait gagner des points d’aptitude), etc. On oublie pas la déco et la verdure, merci. C’est même indispensable pour créer un sentiment d’espace et détendre la famille. A ne pas négliger non plus, la distraction : jeu d’échecs, appareil de muscu, aquarium (oui, ça distrait les Sims)… Bref, chaque accessoire engendre son petit effet sur le moral ou l’état physique de nos bonshommes. Vous l’avez compris, l’acte d’achat est primordial ici. Le manuel est assez clair à ce sujet : « Ne rien acheter est un problème. Cela signifie que vous n’améliorez pas l’environnement des Sims et qu’ils ne peuvent donc pas être plus heureux. » Un peu comme sur la Toile où les gentilles boutiques online qui se multiplient font la joie des internautes, CQFD. Tel est l’esprit vulgairement capitaliste qui dicte la destinée des Sims. Et régit complètement leurs vies. Comme nous autres les humains, ils éprouvent quelques besoins vitaux. A peu de chose près, les mêmes. Huit jauges vous renseignent en permanence à ce propos : appétit, confort, hygiène, énergie, vie sociale, distractions, espace et « petits besoins ». Chaque action fait basculer la barre dans le positif ou le négatif. Exemples : je mange, la jauge appétit grimpe. Mais dans le même temps la jauge « petits besoins » tombe au plus bas… Je fais de la muscu, la jauge distraction est au vert. Du coup, celle de l’énergie passe au rouge… Logique pensez-vous. Oui, mais pas assez nuancé pour relever directement de « la simulation humaine », car c’est à ce point systématique et binaire qu’il faudra, pour bien faire, sans arrêt compenser. Ainsi va la vie des Sims, qui, entre autres obligations, se doivent de renflouer le compte en banque. Parfois, pur hasard, la chance vous sourit à la loterie nationale. Trop rare pour espérer pouvoir se passer d’un job. Laborantin, serveur, artiste, guide de montagne, employé de bureau… peu importe la branche, l’objectif étant de se voir vite accorder une promotion. Vous l’obtiendrez en développant vos aptitudes (cuisine, mécanique, charisme, physique, logique et créativité).
Restent les relations entre Sims. Au départ, vous choisissez une famille prédéterminée ou concevez la vôtre. Un célibataire, un couple avec ou sans enfants… Au sein de la famille, selon l’appréciation mutuelle des membres, la situation évolue en permanence, passant de l’agacement à l’amour absolu. Là, c’est le bébé, une corvée supplémentaire si l’on n’y prend pas soin (à noter qu’il est possible de privilégier l’adoption). Quoi qu’il en soit, vous n’êtes jamais seul puisque vos voisins passent régulièrement vous rendre visite. Pour taper la causette, danser, jouer au échecs. Par l’intermédiaire de l’icône adéquat, on observe l’état des relations entre Sims. Pas simple : si vous flattez un inconnu, vous risquez de passer pour un faux derche. S’il s’agit, au contraire, d’un ami, vous lui flattez l’ego. Il s’agit d’entretenir de bonnes relations, voire de séduire un personnage en particulier. Jusqu’à cocufier bobonne pourquoi pas. En revanche, et c’est ici que le jeu, outrageusement consensuel et rétrograde, montre cruellement ses limites, il est impensable de voir s’accoupler deux hommes ou deux femmes. Oubliez tout net la partouze dans le jardin, la vie sexuelle des Sims est navrante de banalité. Pour vous dire comme ça va pas bien loin, à la douche ou sur le trône, figurez-vous qu’on nous les mosaïque ! Franchement pas sexy Les Sims, ni rock’n’roll à vrai dire.
En vérité, on a vite fait le tour des possibilités avant de s’ennuyer ferme. Première alternative pour varier les plaisirs : ne plus intervenir pour laisser nos personnages vivre à leurs dépens. Pas vraiment démerdes les Sims en fait. Lorsqu’on leur lâche les baskets et qu’on les observe, ceux-ci passent leur temps à dévaliser le frigo pour s’en mettre plein la panse. Honnêtement, c’est à peu près l’unique action qu’ils exécutent en solo, et à répétition. Des ventres quoi ! L’ennui, plus intense encore… Autre façon d’envisager une partie : provoquer la déchéance de ces non-êtres lobotomisés. Normalement, l’idée devrait vous venir assez rapidement à l’esprit. Un par un, on revend les meubles et les accessoires, confisqué ! Plus de frigo, les voilà qui commandent une pizza. Hop, plus de téléphone ! Plus de lit, plus de chaises, rien. Les jauges dans le rouge, les Sims perdent d’abord les pédales… avant de mourir. Point barre. Et pas vraiment plus distrayant du reste.
Elle n’est pas née LA simulation de vie, c’est entendu. Seulement on attendait tout de même un soft un peu plus ambitieux et carrément moins politically correct. A l’usage, on a plutôt affaire à un simulateur de non-vie, à des tranches d’existence fadasses et narcotiques en plein cœur de la classe moyenne américaine (le graphisme en rajoute une couche à ce niveau-là, voyez les screenshots). Soit une expérience avilissante à souhait. Finalement, avec Les Sims, on tient peut-être là le remède miracle qui pourrait éventuellement redonner le goût de la vie réelle aux netslaves et autres techno-accros.